Incroyable. C'est le mot qui définit le mieux A l'intérieur. Pas incroyable par sa qualité ; A l'intérieur est un film très inégal. Incroyable parce qu'on ne le voit pas venir. Même l'amateur d'horreur ne le voit pas venir. Trop rapide et rapidement oppressant, trop inconséquent et généreux dans la violence morale, trop viscéral et évisceré, trop premier degré et conscient de sa propre horreur (sans cerveau, l'horreur n'est rien). Malgré ses défauts, et au regard de la concurrence, A l'intérieur est un des plus grands films d'horreur français, opéra sanglant faisant rimer gore et baroque comme nul autre bis ne l'a jamais fait.


Ses faiblesses : un scénario de petits branleurs. Passé son point de départ diablement intriguant (l'accident, et l'antipathie apparente de l'héroïne) et son concept aussi élémentaire que formidable (viens par ici que je te pécho ton foetus), le scénario d'A l'intérieur est d'une crétinerie sans nom, accumulant les incohérences et les personnages secondaires tous plus débiles les uns que les autres (palme d'or aux flics). Mais en même temps, la crétinerie, ça ne stoppe pas un tueur en série. Ca n'empêche pas les sentiments, comme dirait l'autre.


Et c'est justement ça, le truc, avec A l'intérieur : un festival d'effets se moquant bien du réalisme, triturant nos angoisses primaires, jouant avec notre "ça". Oui, ce n'est pas réaliste, mais ça n'essaie pas vraiment de l'être. C'est un peu pourquoi la controversée transmutation de Duvauchelle en zombie ne dérange pas plus que ça votre serviteur. A l'intérieur, c'est Fantasmagoria. C'est plus une variante quasi-fantastique du giallo qu'un aspirant Henry Portrait of a serial killer. Dans le dernier quart, la petite baraque banlieusarde dans ce que ça a de plus déprimant se transforme en petit théâtre du chaos homicidaire, grotesque et exacerbé. La fabuleuse lumière de Laurent Barès confine au baroque le plus hyperbolique, les hectolitres de sang confine à l'irrationnel, une brume mystique recouvre la moquette, les murs de la baraque sont recouverts d'un placenta hautement symbolique, et Béatrice Dalle, "La Femme", finit sa transformation en ange noir, Némesis absolu, une des créatures les plus flippantes que l'on aura vu depuis longtemps. L'acharnement des réalisateurs à maintenir leur récit rivé à un premier degré improbable, malgré le grand n'importe quoi dans lequel a sombré leur film, finit par payer. Sa confrontation avec Alyson Paradis, excellente, fait pardonner une bonne partie des défaillances d'une machine bien trop bruyante pour être passée sous silence.


Si vous recherchez de l'horreur à la française, ne loupez pas A l'intérieur. Il ne réserve aucun twist décevant à la Haute Tension, ni n'est une vaste arnaque hystérique et mal branlée à la Martyrs. On tient là du vrai, bon travail d'artisanat de passionnés aussi inventifs que bordéliques. Et des morceaux de bravoure qui l'inscrivent dans les annales du genre.

ScaarAlexander
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le 2 juil. 2013

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Scaar_Alexander

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