« L’amour est partout, imprévisible, inexplicable, insurmontable. »

Il existe bien des manières de filmer l'amour au cinéma. Ici, le septième art ne semble qu'un prétexte, un moyen instable mais utile pour, non pas raconter l'amour, mais le montrer dans toute son authenticité. L'histoire d'un jeune homme et d'une jeune femme qui, tiraillés par leur passion amoureuse poussée à l'extrême, auront énormément de mal à survivre à la distance qui les sépare.


Un film exceptionnel qui nous fait découvrir deux personnages terriblement attachants. Le film n'évite les clichés en rien et c'est justement sa grande force. Il n'y a pas beaucoup de péripéties dans ce film, mis à part les absences et les non-dits. Les longs moments de vie quotidienne sont des petits trésors que j'ai adoré partager avec eux tant ils sont sincères. Les regards sots, les rires ridicules, les petites attentions qu'ils se font tout au long du film sont de purs moments de plaisir. Ils font référence aussi à des souvenirs personnels et ce sera le cas de beaucoup je présume. Qui n'a jamais vécu une telle passion, qui prend les tripes à ne plus pouvoir en vivre normalement ? La beauté de ces scènes d'amour d'une banalité extrême mais assumée réside dans ce réalisme exacerbé qui nous pousse à nous émouvoir d'une chaise offerte en cadeau ou d'un long regard plein d'admiration face à face. Il n'y a plus de cinéma, de film ou de musique, l'art fait place au vrai, au tangible. Leur histoire devient indubitable et indiscutable : elle devient réelle.


La deuxième partie de l'oeuvre est elle aussi époustouflante. Comment faire face à la distance, comment vivre sa vie quand elle n'est qu'une pause incessante en attendant l'autre ? Comment passer d'un quotidien, d'une présence, d'un tout à rien, un vaste désert où il faut voyager seul et recommencer son périple. Le sentiment de manque, d'abandon est omniprésent et très bien rendu. Felicity Jones est une vraie révélation, tellement gracieuse et fragile qu'on ne peut que en souffrir pour eux. Ils ont une nouvelle vie, une nouvelle personne dans leur cœur et se voient contraints de s'oublier. Cependant, et parce que l'amour est le bonheur le plus égoïste qui soit, ils se retrouveront toujours, maltraitant le cœur de ceux qui les aiment parce qu'il ne peuvent vivre l'un sans l'autre.


La scène de fin est extraordinaire et chacun peut y voir ce qu'il a envie d'y voir puisque le film se termine sans qu'on sache quoique ce soit de leur avenir. Ils se retrouvent, libres et endurcis par leur vie, sous la douche. Comme deux étrangers, ils ont du mal à se confier l'un à l'autre, à s'habituer à nouveau. Osant à peine se toucher, ils vont se rappeler tour à tour de quelques souvenirs partagés. La scène est très forte et très intense parce qu'ils n'échangent quasiment aucun sourire. Ils s'enlacent, un peu plus, timidement, puis s'agrippent, comme si ils sentaient que leur détachement était finalement une fatalité. Elle n'est plus à lui et il n'est plus à elle, on ne peut raviver une passion qui est morte quand l'innocence d'un amour s'est consumée. Elle quitte la douche. C'est la fin de leur histoire. Ils ne sont plus les mêmes. Quelque chose a changé.


Cette critique est uniquement ou presque basée sur l'histoire et non la réalisation, tout simplement parce que c'est une telle claque dans la figure qu'il m'est impossible de juger quoique ce soit avec un minimum d'objectivité. Je comprends qu'on puisse trouver des points négatifs dans ce film, mais l'amour, c'est tellement ça et c'est tellement ce que j'ai envie de vivre quand je regarde un film et quand il se termine. Quelle tristesse et quelle joie à la fois...


Je repense à cette scène de fin et je me dis que c'est une des plus belles que j'ai pu voir dans ma vie. Si simple et pourtant si poignante... Elle glace le sang comme elle percute. Deux mois plus tard, je me sens toujours autant amoureux de ce film et je pourrais le défendre avec la même ferveur et les mêmes sentiments. La plus grande histoire d'amour moderne, pour moi, et pourtant une des plus simples...
L'amour qui blesse autant qu'il façonne, c'est vieux comme le monde...


Je note souvent mes œuvres en suivant mon amour pour la réalisation, la bande-son, le jeu des comédiens et tout un tas de critères bien précis. Je me laisse bien évidemment aller mais tout ça reste toujours en ligne de mire. C'est sûrement le seul film où ma note n'est régie que par une seule cause : l'émotion.

EvyNadler

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