Avec The tree of life, Terrence Malick franchissait un pas énorme dans sa filmographie, confondant l'universel et le personnel, en soumettant une vision du monde qui se soustrayait à la matérialité pour renouer avec le spirituel. Si le film a beaucoup divisé, cela ne l'a pas empêché de remporter la palme d'or en 2011, preuve que la prise de risque peut parfois s’avérer salutaire. L'auteur persiste cette année avec À la merveille, qui pourrait être considéré comme une variation sur les mêmes thèmes.

Comme son prédécesseur le film offre une dimension universelle de l'amour et de la nature. Il met un accent sur la pluralité des langues et même du langage, celui de l'image bien sûr, mais aussi et surtout celui du corps. Le corps qui s'épanouie et celui qui se déchire. À la merveille suit la relation amoureuse parfois tumultueuse de Neil et Marina que cette dernière viendra rejoindre en Amérique avec sa fille, puis qu'elle quittera pour ensuite retrouver. C'est encore une fois avec un récit fragmentaire que Malick nous aborde.

Avec La ligne Rouge, il réussissait le pari d'un cross-over entre film de guerre et réflexion philosophique. Il tenait son spectateur par l'action décisive qui se jouait à Guadalcanal tout en s'en écartant par l'intrusion du souvenir et la fuite vers une nature sauvage. Cette échappatoire permettait l'extatique et était le point culminant de l'oeuvre de Malick. Or n'il a pas de prise directe avec le récit dans À la merveille. On est dans inénarrable, l'indicible. On devine qu'il veut percer nos sens pour mieux toucher notre âme, sans néanmoins pouvoir y parvenir. Seule la nature est tangible. Les personnages eux-mêmes offrent peu de prise, nous sommes face à un Ben Affleck, éternelle figure de marbre et une Olga Kurylenko insaisissable et vaporeuse. Le film tend à se perdre et réussira à perdre les spectateurs les moins convaincus.

Car il s'agit là d'une véritable expérience sensitive. Un flottement continu généré par des plans courts en steadycam. De même, les ellipses sont multipliées et nous mettent en contact direct avec une mémoire fantomatique. Cette caméra errante qui sans cesse accompagne chaque geste, rappelle celle de de Gaspard Noé. Elle est attiré par le mouvement comme celle d'Enter the void l'est de la lumière. Cette lumière et le sensitif sont présents dans l'un comme dans l'autre. Le spirituel semble s'être perdu dans cet agencement de beauté et de sensualité, à l'image de ce prêtre qu'incarne Javier Bardem, le textuel est réduit à l'essentiel : peu présent et taciturne. L'essence même du film tend à s'évaporer faute de flacon. Son cœur est trop volatile. Sa foi trop difficile à capturer.

Pour ceux à qui le spirituel échapperait, il ne restera que des plans à la photographie extrêmement belle d'Emmanuel Lubezki, évoquant la publicité de parfum, parfois Kenzo, parfois Cacharel. Reste le contemplatif, reste la rêverie cinématographique. L'état de grâce recherché est l'équation dont l'homme est la clef, mais Malick à trop vouloir distiller les éléments s'est perdu en chemin.
Zède
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le 21 mars 2013

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