Cher Mr Malick,


Les histoires d'amour doivent bien se finir. D'ailleurs Terrence (après toutes ces années passées ensemble à contempler la nature, tu permets que je t'appelle Terrence ?), dans ton dernier film, tu ne t'intéresses au fond qu'à cela : les aléas de la vie amoureuse. Mais cette fois mon Terry (après toutes ces années passées ensemble à écouter le silence, tu permets que je t'appelle Terry ?), je ne te comprends plus, tu parles seul, tu te replies sur toi-même, tes chevilles enflent au point de te faire grimper jusqu'à celles du Tout Puissant, et la belle alchimie de nos deux âmes s'est transformée en prison pour la mienne.


Dans A la merveille, ta griffe a mué en lourde figure de style. Tes prises de vue à la profondeur de champ sans fin, je m'y noie désormais comme dans du mauvais vin. Plus ton film exaltait la vie, plus il me donnait envie de mourir. Je sais, j'en fais trop, mais quand on ne se comprend plus, on veut toujours persuader l'autre que c'est nous qui souffrons le plus. Faire un film à la narration heurtée ne signifie pas faire un film complexe, tout comme faire un film exigeant ne le rend pas automatiquement intelligent. Trop sûr de toi, pour la première fois, tu accumules au lieu d'harmoniser, tu assènes tes images au lieu de les investir, sinon par une foi trop envahissante pour être honnête. Terry, tes croyances ne sont pas les miennes, pourtant tu as toujours su me les faire comprendre, et me récompenser en échange de mon attention par des images comme toi seul sais les capturer.


Mais là Terrence, filmer de grands espaces battus par la brise ne t'évite pas la lourdeur. Ta vision de la femme, à la fois pure et soumise au bon vouloir de l'homme, me fait assez froid dans le dos. Pas que je sois féministe mais venant de quelqu'un qui a su sonder l'être humain dans ses moments les plus terribles (en guerre avec ton immense La Ligne rouge, pris entre deux feux d'un choc des cultures à l'occasion du sublime Le Nouveau monde), à quoi rime ici cette romance prosélyte aux allures de sermon ? Tout cela ne te ressemble pas, et surtout ne ressemble pas à ce dont tu es capable. Et si le sérieux de ton film empêchera beaucoup de partager cet avis, j'ai parfois trouvé bien niaise ta façon d'aborder cette histoire d'amour. Et voilà qu'en prime, au détour de quelques passages, tu cèdes sans le vouloir à un comique pittoresque. Non Terry, ton film a beau être ensoleillé comme une flaque d'eau bénite pleurée par le Seigneur en personne, je n'y cède pas. Mais peut-être étais-je aveugle, peut-être était-ce là dès le départ après tout, masqué par ton talent évident. Pourtant, je me refuse à le croire.


Saint Malick, je le sais bien, tes fans les plus endurcis me feront remarquer qu'on n'y touche pas. Néanmoins, si je te vénérais quand tu filmais le vent, ici, tu ne fais qu'en brasser. Si j'étais un cinéphile rageux et rancunier, après ces deux longues heures dont je suis ressorti avec des cheveux blancs, je te dirais bien d'aller te pendre, mon Terry. Mais tu serais sûrement décédé le temps de choisir ton arbre. Et entretemps, tu nous en ferais sûrement un film... Non Terry, repose-toi, médite, et reviens-nous avec une de ces expériences transcendantales dont tu as le secret. J'en suis sûr, cette parenthèse n'est qu'un break, toi et moi, ça ne peut pas se finir comme ça.


Bien à toi,
Fritz <3


P.S. : petit message aux trois-quatre connards et connasses de la salle (le manque de civisme et la parité, une autre belle histoire d'amour) qui pouvaient pas s'empêcher d'y aller de leurs commentaires. S'emmerder, c'est un droit, mais la prochaine fois faites-le en silence.

Fritz_the_Cat
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le 13 mars 2013

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Fritz_the_Cat

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