Le cinéma de Terrence Malick n'est pas un cinéma accessible pour tous, ou en tout cas ne l'est plus depuis le sacro-saint The Tree of Life, où le réalisateur brode une nouvelle forme de récit, réalisant plus un exercice de style qu'une histoire concrète (et construite). Ces histoire d'amour à lui sont très différentes des autres, aux antipodes de son tout premier film (La Ballade Sauvage). Le problème, c'est qu'à vouloir faire trop compliqué, trop différent, M. Malick oublie une chose précieuse : le public. À la merveille est l'exemple par excellence du film que seul son réalisateur comprend, dont on parle en pleine soirée mondaine pour montrer sa grande culture. Pour ceux qui parviendront à tenir les 1h58 dans la salle, Terrence Malick nous pose une question : qu'est-ce que le cinéma ?

L'histoire du film est plutôt simple : Neil (Ben Affleck) est amoureux de Marina (Olga Kurylenko). Mais c'était sans compter que Terrence Malick est à la réalisation, et que tout ce qu'il touche devient plus abstrait que concret. D'un point de vue scénaristique, À la merveille est ce qui se rapproche le plus d'une déchéance : tous les arcs scénaristiques n'ont ni débuts ni fins, le scénario devient une excuse pour filmer. On apprend aussi que le Terrence Malick post-The Tree of Life ne sait pas diriger un acteur. Dans cette histoire d'amour où les clichés ne omniprésents se noit un Ben Affleck n'ayant qu'une expression dans toute sa palette d'acteur, face à une Olga Kurylenko qui fait une sorte de sur-jeu mongoliens, le paroxysme étant atteint lorsqu'elle ne sait même plus prononcer un mot mais plutôt un cafouillis ressemblant à un « Ahboutoutou ». Sean Penn, qui se plaignait d'avoir était coupé au montage de The Tree of Life, trouve dans À la merveille son double. Non pas dans la personne de Javier Bardem, qui parvient à apparaître six fois à l'écran, mais dans celle de Rachel McAdams, qui vient et va dans le film sans que l'on y comprenne son utilité. Sans oublier les pauvres Jessica Chastain, Rachel Weisz ou encore Michael Sheen, qui ont étaient sacrifiés au montage. À la merveille devient un film d'enfant où l'on ne sait s'il faut rire ou pleurer, un film où les acteurs semblent être en vacances et où le réalisateur semble s'amuser à les décadrer, ne faisant plus même attention au rétroviseur que Ben Affleck détruit mais qui revient au plan d'après.
Et le film reprend bel et bien l'esthétique du film de vacances, faisant suite à l'introduction justement tourné avec un caméscope. À la merveille est un film où les rushs se mélangent, avec un toile de fond un orchestre d'opéra ininterrompu, créant une rupture image/son. Terrence Malick est souvent comparé à Stanley Kubrick, ne serait-ce que pour sa longueur entre deux films (deux ans se sont écoulés entre la sortie de The Tree of Life et À la merveille, ce qui est sont record personnel). Stanley Kubrick confiait à Steven Spielberg sa volonté, jamais accomplie, de créer une nouvelle forme de récit. C'est aussi le réalisateur aimant tourner jusqu'à 200 prises pour chaque plans. Terrence Malick semble avoir tout simplement combiné les deux, gardant tout ses rushs pour en faire un montage à déconseiller à tous les épileptiques.
À la merveille pose la question de ce qui constitue un film, et plus précisément ce qui constitue une fiction, par rapport à un documentaire. Nombreuses sont les ruptures du quatrième mur, comme les regards-caméra des bisons ou celui de l'enfant courant vers la caméra. Le réalisateur va jusqu'à filmer des personnes à leur insu, et ici les personnages font vrais. Sans oublier que Terrence Malick, depuis The Tree of Life et son montage parallèle incompréhensible (sauf pour lui-même) veut réaliser un documentaire sur la création du monde. Terrence Malick est LE représentant du néo-réalisme italiens d'un point de vue formel, ne donnant aux acteurs aucune indication si ce n'est de « faire vrai » et ayant une image, certes très belle, mais surtout naturelle. Le réalisateur peut même faire penser à Roberto Rosselini, qui partait l'aventure du tournage avec un scénario écrit au jour le jour. Le problème dans tout ça, c'est qu'à force d'abuser d'un cliché la vraisemblance à en prend un coup. Exemple au hasard : Avez-vous déjà vu une femme courant, les bras l'air, en sautillant entre deux rayons d'un supermarché ?

Dire qu'À la merveille est un mauvais film serait un mensonge. Nous retrouvons bien le Terrence Malick attiré par Dieu, quelque part entre les apparitions de Javier Bardem et les angles de caméra toujours tournés vers le ciel, ainsi que son goût pour la nature déjà repéré dans La Ligne Rouge et Le Nouveau Monde. Seulement, The Tree of Life a changé le réalisateur, il s'est trouvé sa façon de filmer. Maintenant, il serait peut-être bon de penser au spectateur qui aimerait voir un film et non un diaporama de plans filmés, dans une ère où le cinéma souffre déjà de la 3D et maintenant du 48 images par secondes.

Pierrick Boully
Pierrick_Boully
1
Écrit par

Créée

le 23 sept. 2013

Critique lue 301 fois

Pierrick Boully

Écrit par

Critique lue 301 fois

D'autres avis sur À la merveille

À la merveille
Clairette02
9

Heart of gold

Terrence, ils se sont moqués de toi, ils t'ont hué à Venise, ils t'ont considéré comme fini. Terminé le grand Terrence de Tree of life. En voyant des 3 déferler sur Sens critique, des critiques...

le 7 mars 2013

143 j'aime

64

À la merveille
Kenshin
3

Olga The Movie

Hier soir, après avoir quitté Guyness et raccompagné AlisonY. chez elle, j'envisageais plusieurs façons de faire ma critique de To the Wonder. Je pensais tenter un tweet: Malick voulait filmer Olga...

le 6 mars 2013

106 j'aime

57

À la merveille
Grard-Rocher
2

Critique de À la merveille par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Neil et Marina vivent tardivement un amour très passionnel lors d'un voyage à la merveille du Mont Saint-Michel. C'est le grand amour car Marina, originaire d'Ukraine, divorcée et mère d'une enfant...

65 j'aime

29

Du même critique

Star Trek Into Darkness
Pierrick_Boully
7

À peine rassasié

Que l'on aime ou pas, que l'on ai déjà vu ou non, Star Trek fait aujourd'hui partit de notre culture populaire. Ou en tout cas, est un des piliers de notre science-fiction, au même titre que La...

le 23 sept. 2013

1 j'aime

L'Écume des jours
Pierrick_Boully
8

100% Gondry

1 an après The We and the I, petit film dont on ne connait pas bien l'intérêt si ce n'est d'ouvrir les marches du Festival de Cannes à son réalisateur, Michel Gondry nous revient en France. Mais pas...

le 23 sept. 2013

1 j'aime

3

Iron Man 3
Pierrick_Boully
8

Ce n'est pas l'armure qui fait le héros, mais l'homme qui est à l'intérieur

En 2008 sortait le premier film d'un Marvel Studio qui se cherchait encore : Iron Man, réalisé par Jon Favreau. Un brin nouveau dans le monde super-héroïque (notamment avec le retour sur scène de...

le 23 sept. 2013

1 j'aime