Terrence Malick, à la manière de David Fincher, fait partie de ces réalisateurs dont la patte s'affirme et se bonifie au fur et à mesure des années. Du chemin a été parcouru depuis le "Godard'ien" Badlands... On assistait alors à la naissance d'une mise en scène moins fixe et diversifiant les points de vue dans Days of Heaven, d'une narration à double épaisseur dans The Thin Red Line, puis vint l'évaporation de toute forme de narration classique avec The Tree of Life pour enfin en arriver à To the Wonder.


Si les précédents films de Malick prenaient la nature à la fois pour objet et pour cadre, To the Wonder marque à son tour une évolution dans la carrière du cinéaste puisque la nature ne sert ici que de cadre. Celle-ci sera sublimée, enjolivée, dépeinte avec amour comme nul autre ne sait le faire, mais les personnages sont ici au cœur du récit. Une orientation qui peut sembler saugrenue compte tenue du virage serré pris par le réalisateur en terme de narration depuis de The Tree of Life, mais qui au final fait sens.


Car Olga Kurylenko n'est pas la compagne de Ben Affleck et Rachel McAdams n'est pas son amante, leur rôle est d'interpréter les sentiments de leur personnage, de les personnifier. Aimer, ce n'est pas courir dans les champs, bras en l'air, s'amuser avec les rideaux un jour de grand soleil, ou encore courir dans un supermarché désert. Mais l'amour, dans notre cœur, dans notre cerveau, dans notre for intérieur, c'est avoir envie de faire tout cela, c'est le désir d'exploser. Ainsi est abordé le deuxième pilier de la filmographie de Terrence Malick avec la nature : l'amour. Il prend ici une place de choix, car le film narre l'histoire d'un Ben Affleck incertain, d'une Olga Kurylenko délaissée, et d'une Rachel McAdams lésée. C'est dans un premier temps l'amour fou et apparemment intemporel entre les deux premiers, puis le doute, les disputes, le fracas du mobilier, la rupture, la naissance d'un nouvel amour, mais tué dans l'œuf par le retour d'une Olga brisée par le départ de sa fille. En parallèle de l'amour conjugal, est abordé l'amour de dieu via le personnage de Javier Bardem, un prêtre catholique, autre personnage en perdition, à la recherche de dieu.


Loin des plans longs et fixes de Badlands, la réalisation de To the Wonder s'inscrit dans la lignée de celle de The Tree of Life, cela se traduit par des focales courtes, de courts plans avec caméra à l'épaule, d'autres plus longs en chariot de travelling, un cadrage à la fois improvisé et millimétré, organique, sans cesse en mouvement à la manière du montage accumulant les ellipses - les secondes s'écoulent comme les mois et les années - donnant la sensation de vivre de vrais moments de vie. Le travail sur le son est lui aussi saisissant, car la musique - originale ou classique - y est omniprésente, alors que les bruits - de pas, de la ville, extérieurs - y sont presque totalement absents rendant le métrage au dessus des lois du temps et de l'espace, un sentiment qu'il n'est possible d'éprouver chez un autre cinéaste. Grâce à ses éléments, Malick alterne entre moments de calme, où le tout se fait discret, et moments de pure grandiloquence, de véritables tourbillons émotionnels, ayant fait vibrer chaque parcelle de mon corps, et m'ayant transporté l'espace d'un instant À la Merveille...

Alex__
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le 25 mars 2018

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