Aussi cruel que fut son échec en salles, À la poursuite de demain passe les années avec une considérable facilité. Il a même gagné ses galons de grand film malade. Cela tient à deux choses corrélées entre elles. La première, c'est son réalisateur Brad Bird. Sommité du cinéma d'animation (Le Géant de Fer, Les Indestructibles ; ça calme), il s'est plié à l'exercice des franchises en live, à savoir Mission : Impossible : Ghost Protocol, sans rien perdre de son génie cinétique. Et la deuxième raison, c'est que son nouveau film était un risque. Certes, il trouve ses racines dans une attraction Disney (tout comme Pirates des Caraïbes), mais avait tout un univers à bâtir. Défi imposant, puisque la somme investie l'était tout autant. 200 millions en billets verts, c'est peu commun pour un essai. D'ordinaire, une telle dépense est allouée à de grosses franchises installées,donc au retour sur investissement garanti. Type Star Wars, dont Brad Bird a refusé de signer l'Épisode VII en faveur d'À la poursuite de demain.
Avec de tels espoirs placés sur les épaules, pas étonnant que le film soit un colosse aux pieds d'argile. On ne pourra enlever à cet "essai" de proposer des tas de choses, au confluent de sources aussi variées que Fritz Lang, Isaac Asimov et Jules Verne. Le travail de Bird derrière la caméra est encore une remarquable, combinant à merveille son art de la scénographie et la vélocité de sa mise en scène. Il confirme ses aptitudes (démentes) à transcender n'importe quelle scène d'action en veillant à les rendre les plus ludiques possibles (cf. La scène du magasin ou chez Franck). Du spectacle, vous allez en avoir. Et le tout s'accompagne d'idées diablement excitantes (les flashes temporels par exemple) et d'une toile de fond à laquelle se connecter (l'action humaine sur l'environnement). Deux paramètres qui semblent assurer à l'épopée une sincère affection.
Mais ce qui calme les ardeurs tient également à deux choses. La première concerne l'histoire, finalement très brouillonne. Bien malin est celui qui pourra présenter ce Tomorrowland puisque le long-métrage se montre assez chiche à ce niveau (on n'en voit que de petites parcelles). De la même manière, les enjeux sont assez flous. Les trois personnages principaux sont baladés d'un point à un autre, mais l'intrigue se montre incroyablement confuse quant à leur rôle dans ce récit (pas si utopique). On en arrive au problème du rythme. De manière incompréhensible, le film expose maladroitement ses pions pendant presque 1h30 pour intégrer au forceps un méchant et son climax dans sa dernière demi-heure. Pour arriver à un final - très représentatif - à la fois très intéressant et tout aussi ambigu sur les intentions du script.
Comme beaucoup, j'ai beaucoup de gentillesse pour À la poursuite de demain et ce qu'il tentait d'être au sein d'un cinéma grand public menacé par la taylorisation. Je me désole qu'il ait opté pour une narration si atypique, au détriment de ses belles promesses.