Enfin une rom-com adolescente vraiment réussie de la part de Netflix !

Vu que Netflix sort une rom-com adolescente oubliable quasiment toutes les semaines, se lancer dans le visionnage de "À tous les garçons que j'ai aimés", énième représentante du genre basée sur un best-seller de la littérature young adult, avait tout du suicide cinématographique programmé. Et pourtant... À l'instar de la bonne surprise qu'a pu représenter "Set It Up" dans une version plus adulte de l'offre romantique de la plateforme, le film de Susan Johnson est celui du genre qu'on n'attendait plus de la part de Netflix : une vraie bouffée d'air frais de teen rom-com qui nous séduit instantanément par le ton enlevé d'une héroïne bien loin des clichés habituels...


Incapable de franchir le pas d'une relation amoureuse bien réelle où elle avouerait enfin ses sentiments, Lara Jean a toujours préféré fuir tout au long de son existence dans un monde imaginaire où elle a évacué ses émotions par l'écriture de lettres aux cinq garçons qu'elle a aimé (et notamment son meilleur ami devenu le petit copain de sa grande soeur). Des lettres qui, bien évidemment, étaient destinées à sa seule lecture mais, un beau jour, lorsque son aînée part pour une faculté en Écosse, la laissant seule avec sa petite soeur et son père, les cinq enveloppes disparaissent mystérieusement de la chambre de Lara Jean et se retrouvent toutes aux mains de leurs destinataires. D'un naturel introverti et élève peu populaire dans son lycée, Lara Jean se retrouve donc confrontée et obligée de s'ouvrir à certains de ses garçons pour qui a elle a eu des sentiments à un moment de sa vie, en particulier avec son ex-meilleur ami et un élève sportif qui va lui proposer un étrange pacte...


L'ambiance prend immédiatement, des premières scènes de vie de famille à celles au lycée, "À tous les garçons..." nous frappe par le naturel qui l'habite, bien loin des environnements aseptisés trop souvent inhérents à ce genre de film. La famille de Lara Jean existe tout simplement en quelques secondes à l'écran par sa dynamique, son humour, le sentiment de vérité qui en émane... (le père et la petite soeur sont irrésistibles) et le contexte sentimental présenté par le regard décalé de l'héroïne nous emporte également avec lui. Il en est de même au lycée, cadre ô combien synonyme de clichés lassants, où le statut d'invisibilité (de normalité pour le spectateur mais d'impopularité pour une adolescente) de Lara Jean nous la rend encore plus attachante par sa volonté de ne pas se faire remarquer dans un monde qui ne veut pas plus la considérer. Bien sûr, dans un premier temps, ses fréquentations nous sont présentées comme des figures caricaturales (le couple formé entre sa meilleure ennemie et le bellâtre sportif, sa BFF excentrique, les cinq amours sous forme de flashbacks avec le voisin romantique en ligne de mire) mais, dès que l'affaire des lettres entre en jeu, le film va s'amuser de nos préjugés sur ces personnages pour en dévoiler d'autres facettes plus profondes et inattendues afin de chercher à surprendre sur la véritable donne sentimentale en jeu.


Les romances adolescentes contemporaines optent (à quelques exceptions près) la plupart du temps soit pour un ton résolument dramatique voire tragique, soit pour la pure comédie mais rares sont celles qui parviennent à s'engouffrer dans la brèche entre les deux en empruntant le meilleur de ces registres antagonistes, "À tous les garçons..." fait incontestablement partie de celles-ci.
Citer explicitement John Hughes dans son propre film, la référence 80's fondatrice du genre, et notamment "Sixteen Candles" fait toujours courir le risque kamikaze de souffrir de la comparaison mais pas ici. Non pas que l'on surestime "À tous les garçons..." au point de prédire qu'il marquera autant les esprits que les hits de cette époque, toutefois, le film de Susan Johnson s'inscrit clairement dans cette veine, dans ce même esprit où le personnage adolescent n'est pas traité par la seule uniformité de son statut, où l'insouciance de cette période de la vie se traduit par un humour rafraîchissant et les failles inséparables de cet âge par une véritable intelligence et sensibilité d'écriture... Peut-être parce que l'auteur du roman s'est inspiré de sa propre expérience (Jenny Han a elle-même écrit ce type de lettres et on imagine sans mal qu'elle a grandi avec les films de Hughes), "À tous les garçons..." semble à chaque instant traversé par un souffle de sincérité dans le traitement de tous ces personnages correspondant à la vague cinématographique de cette époque. Et, bon sang, que ça fait du bien !


Mais réduire le long-métrage a un simple regain de nostalgie serait très réducteur car il parvient pleinement à téléporter ce ton si frais estampillé 80's (avec quelques clins d'oeil au niveau des looks) dans les codes de la jeunesse actuelle. Au-delà des nouveaux modes de communication où les réseaux sociaux jouent un rôle prépondérant, cela passe aussi par une famille américaine issue du métissage comme figure centrale, le film a l'intelligence de ne pas souligner ce fait mais on imagine que la mort de la mère de l'héroïne d'origine sud-coréenne la prive d'une partie de ses racines, participant un peu plus à la perte de repères identitaires si importants à cet âge. Cela reste évidemment un détail qui n'est pas abordé mais cela montre en partie toute la subtilité qui habite "À tous les garçons..." par ses choix d'écriture réfléchis.
Adolescente réservée et obligée de sortir de sa coquille à cause cette affaire de lettres, le caractère particulier de Lara Jean influe d'ailleurs sur toute la tonalité du film. Cela se traduit tout autant visuellement où, dans une esthétique habilement stylisée mais discrète, Susan Jonhson souligne son enfermement sur elle-même avant de la mettre en avant, que sur le fond avec une Lara Jean bousculant de plus en plus une gente masculine jusqu'alors fantasmée et décidant enfin de vivre pleinement au risque d'être blessée. Touchante par le traumatisme qu'a représenté la mort de sa mère jusqu'à la faire éviter volontairement toute nouvelle possibilité de souffrance, Lara Jean n'en restera pas moins un petit modèle de personnage féminin qui a su s'affirmer et auquel la justesse des dialogues et une mise en scène réussie a su amplement rendre justice.


Quelques réserves néanmoins sur la dernière partie du film : même si elle est toujours traversée par cette sensibilité qui nous a tant séduit, les épreuves traversées et les explications qui en découlent tirent parfois en longueur et se montrent un peu moins inventives que tout ce qui les ont précédé. Rien de bien méchant néanmoins, d'autant plus que le film se rattrape en nous laissant sur une très jolie scène finale.


"À tous les garçons..." est donc la rom-com adolescente à ne pas louper sur Netflix en 2018 -il serait dommage de lui réserver le même sort qu'à celles sans intérêt sortant en masse sur la plateforme.
Emmenée de plus par une troupe de jeunes comédiens épatants, on tient probablement là une des propositions du genre la plus sincère, attachante, drôle, intelligente et référencée que l'on ait vu depuis un moment !

RedArrow
7
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le 19 août 2018

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