Dans Ad Astra, James Gray souffle le chaud et le froid, proposant des images grandioses, un acteur pertinent et une quête universelle qui malgré tout leur intérêt ne suffisent pas à faire oublier un film lent, pesant et trop bavard. L’ensemble peut séduire mais si on prend le mauvais train, on risque de passer totalement à côté du film (c’est à dire que c’est pas super pratique de prendre un train pour explorer les étoiles).


Pourtant l’entrée en matière est bonne: Brad Pitt doit faire face à une situation de crise, et sa chute semble si impressionnante qu’on en vient à remettre en doute sa véracité. On ne serait pas surpris de voir le personnage se réveiller en sursaut et se rendre compte que tout cela n’était qu’un cauchemar.


De cette dégringolade initiale, le spectateur tire plusieurs enseignements: l'espace est sans merci, notre héros n’est pas un émotif, et on a bien fait de ne pas chercher à travailler dans ce domaine pourtant passionnant.


Puis vient le début de l’histoire: on présente vite la quête au héros qui va prendre la route pour une mission primordiale.
Déroulé classique et simple à suivre.
L’ascension va le mener à la fois aux confins de l’univers accessibles à l’homme et au plus près d’un père qui n’est déjà plus à son niveau.


Plus il s’approche du but et plus on sent le froid envahir l’espace, plus le décor et les discours sont désabusés, tristes, empreints de solitude.


Le personnage principal pourrait être le digne successeur du Neil Armstrong campé par Ryan Gosling dans first man un peu plus tôt cette année: même absence d’émotion, même quête intérieure, même faculté à pouvoir se perdre au loin et noyer dans le vide intersidéral les soucis terrestres.
Brad Pitt est tellement torturé et dépressif qu’il en oublie d’être beau, et on se rappelle pourquoi on aime le croiser sur grand écran.
Malheureusement là où First man arrivait à faire parler le mutisme de son personnage, et où chacun pouvait plaquer sur son silence ses propres émotions, ici le parti pris est celui de la voix off, ce qui freine considérablement le travail d’appropriation du spectateur.
Les questions que se pose le héros sont expliquées, décortiquées, exposées, et il faut bien reconnaitre que ça alourdit considérablement le long métrage.


Pourtant il y a bien des thèmes et des idées intéressantes, quelques passages marquants comme


La rencontre avec le père présenté d’abord comme inaccessible, quasi divin dans sa manière de surplomber et toiser son fils, effet renforcé par une voix qui se répercute contre les parois de ce qui résume son espace vital depuis des années, puis la transformation qui en fait un vieillard tremblant.
Sur cette bascule dans les perspectives le film atteint son apogée, touche à l'extrêmement intime, devient universel: la relation père/fils s’inverse, l'aïeul est devenu celui qu’on doit guider, aider, exactement comme nos anciens qu’on doit accompagner dans leur “fin de vie”.
Il a fallu que Bard Pitt fasse un voyage interminable pour rejoindre le père, puis le tuer et enfin accepter de se réconcilier.


Ça fait cher la psychanalyse, mais ça offre de jolis moments de cinéma, on regrettera d’avoir trouvé le temps si long avant d’en arriver là, de ne pas avoir pu apprécier le film de bout en bout.
L’expérience est à tester, mais il faut savoir se laisser porter par le rythme du film.

iori
6
Écrit par

Créée

le 25 sept. 2019

Critique lue 344 fois

1 j'aime

iori

Écrit par

Critique lue 344 fois

1

D'autres avis sur Ad Astra

Ad Astra
lhomme-grenouille
5

Fade Astra

Et en voilà un de plus. Un auteur supplémentaire qui se risque à explorer l’espace… L’air de rien, en se lançant sur cette voie, James Gray se glisse dans le sillage de grands noms du cinéma tels que...

le 20 sept. 2019

206 j'aime

13

Ad Astra
Behind_the_Mask
9

L'espace d'un instant

Il faut se rappeler l'image finale de The Lost City of Z : celle de cette femme qui franchit symboliquement une porte ouverte sur la jungle pour se lancer à la recherche de son mari disparu. Ce motif...

le 18 sept. 2019

175 j'aime

24

Ad Astra
Moizi
9

« Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie. »

Film absolument sublime, sans nul doute le meilleur Gray que j'ai pu voir et l'un des meilleurs films se déroulant dans l'espace. J'ai été totalement bluffé, je me doutais bien que le véritable sujet...

le 24 sept. 2019

121 j'aime

15

Du même critique

Adults in the Room
iori
8

La dette qui avait trop de Grèce (ou l’inverse)

Voici un film qui illustre parfaitement une certaine idée du cinéma, celle qui permet à des orfèvres de s’emparer de sujets politiques difficiles, abscons et d’en donner une interprétation qui permet...

Par

le 24 oct. 2019

31 j'aime

Jalouse
iori
7

Le cas-Viard

Comme quoi c’est possible de faire une comédie qui force le trait sans tomber dans la danyboonite aigüe (une maladie de la même famille que la kev'adamsite ou la franckdubosquite). Karine Viard...

Par

le 14 sept. 2017

27 j'aime

9

Les Cowboys
iori
8

Kelly watch the stars

François Damiens dans un film qui s’intitule “les cowboys”, où il incarne un père de famille fan de country dans les années 90. Voilà une base qui donne envie. Envie de fuir bien loin. Sauf que ça se...

Par

le 18 nov. 2015

24 j'aime

7