Il est assez rare que je fasse des critiques de films, ma dernière remontant à octobre 2019 pour vous dire, ayant préféré le format de l'annotation un peu moins engageant et n'aimant également pas spécialement être confronté à la critique un peu puérile qu'est celle d'apposer un peu bêtement un like ou un dislike sur une critique sans jamais réellement enclencher de discussions enrichissantes si, du moins, ces dernières ne virent pas en une foire d'empoigne.


Il y a au moins une vue que je partage avec Dupontel c'est que l'utilisation que nous faisons des technologies actuelles est très souvent nocive, froide et inhumaine et non pas la technologie en elle-même qui, elle, est complètement amorale.


Ceci étant dit, dans ce Adieu les cons, Dupontel nous expose une véritable leçon d'humanité. Notre époque est encore plus individualiste qu'elle n'a pu l'être de par le passé et ces réseaux qui devraient nous unir ne font que créer un fossé au sein des relations humaines même, et ce en raison de cette façon dont comment nous les utilisons.
Constat extrêmement amer, dans ce monde morne, terne, où l'humain n'est devenu qu'un simple divertissement parmi tant d'autres, le ciment même de ces relations, l'amour, y est devenue une denrée extrêmement rare.


Ici, les personnages seront en quête d'eux-même, et surtout en quête d'un amour qu'ils n'ont jamais réussi à trouver ou du moins touché du bout des doigts.


Suze, à l'article de la mort, et Jean-Baptiste qui s'est tiré une balle dans le pied (sans mauvais jeu de mots) en provoquant sa mort sociale vont tout faire pour retrouver l'enfant de Suze, né sous X. Il arrivera un troisième protagoniste un peu plus tard dans le film, Serge, un archiviste aveugle.
Ces personnages sont, touchants, faillibles, drôles, profondément humains et auront à faire face à des situations loufoques au service d'un humour le plus souvent burlesque et absurde. Dupontel a, fort heureusement, réussi à éviter l'écueil de l'humour lourdingue, indigeste et l'a merveilleusement bien dosé afin que le film ne se termine en une véritable pantalonnade ridicule.


Le film dépeint des marginaux qui font semblant d'être intégré à la société qui, elle, les tolère à peine tant qu'ils ne provoquent pas de remous.


Ainsi, Suze qui a eu une adolescence « punk » s'est complètement rangée et, elle, qui a mené une vie fade, terne, morne, classique pour ne pas dire banale en devenant coiffeuse avant l'annonce de sa maladie, incurable, va partir en quête de l'enfant qu'elle n'a jamais pu connaître. Et c'est en se revoyant jeune dans un miroir de son salon de coiffure, après l'annonce de sa maladie, qu'elle va décider de reprendre les choses en main, le sablier ayant été retourné pour elle.


Fait assez parlant, Suze a développée une maladie incurable à cause des produits chimiques présents dans les produits qu'elle utilisait dans son salon de coiffure.


Quant à Jean-Baptiste, lui aussi se raccroche à la vie au travers de son travail, il bosse sur de la programmation informatique. On le dit compétant, extrêmement talentueux ... mais tout basculera suite à l'annonce de la restructuration de sa boîte. Après s'être enivré de travail pour oublier tous ses ennuis et lui donner un simulacre d'existence au travers de ce dernier, le voici fichu à la porte et, n'ayant aucune ressources humaines autour de lui (Oui , là par contre le jeu de mots est voulu), il décidera de mettre fin à ses jours mais rien ne se passera comme prévu.


Et puis, Serge, l'archiviste aveugle, qui a perdu la vue suite à une bavure policière et qu'on a littéralement enfermé dans un local, qui ressemble à une cellule de prison très vétuste, nous signifiant que les personnes en situation de handicap peuvent difficilement trouver leur place dans une société (et s'insérer au sein de cette dernière) qui ne fait rien et qui n'a rien à faire d'eux à part les invisibliser .
Une forme d’eugénisme social assez effrayante dénoncé par Dupontel quasiment tout au long du film.


Dupontel au travers de ce film dénonce l'absurdité de ces normes sociales, qu'importe leur nature, qui nous pèsent au quotidien, nous étouffant parfois, et qui même ira jusqu'à nous interloquer et nous interroger vers la fin du film, où l'on on comprend assez rapidement que toute personne carencée ou trop pleine d'amour ne peut pas aspirer à avoir une vie heureuse tant que la complétude envers l'autre n'a pu s'effectuer. S'ouvrir au monde ou tout simplement ne plus accepter tout de lui en faisant un don trop généreux en amour et en se révoltant dès que cela est nécessaire.


Il est aussi intéressant de constater que ce ne sont pas forcément les personnages qui sont les seuls malades dans ce film, mais tout ce qu'il y a autour de nous et la façon dont comment sont régies les choses qui seraient parfaitement et profondément défaillantes et que seul l'amour et le pardon peuvent transcender .


Louis Ferdinand Céline disait "C'est peut-être ça qu'on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir » et c'est très clairement ce qui est exposé dans ce film.


Quand tout nous lâche, quand tout se ligue contre nous, il y a plusieurs réactions possibles  exposées dans Adieu les cons: Soit se donner la mort quand on doit faire face à cela seul, une mort que personne ne saisit ou qu'au travers de vagues explications psychologiques, soit mourir ensemble dans une sorte d'apothéose macabre mais au moins en ayant connu, même en l'espace seulement de quelques précieuses secondes, l'expérience de l'amour. Être aimé et aimer, puis s'en aller.

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le 22 mai 2021

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