Une des plus belles forces du cinéma d'Albert Dupontel, c'est sa capacité à faire ressortir le meilleur de ses comédiens-diennes. Son cadre et sa direction subliment les regards. Chaque visage raconte quelque chose. Chaque regard, même celui d'un aveugle caché derrière des lunettes noires fait entrevoir toute la profondeur d'un personnage. Les mots sont dérisoires, le metteur en scène l'a bien compris.
Virginie Efira brille de mille feux dans l'un de ses plus beaux rôles. Tout comme Nicolas Marié, Jackie Berroyer, Dupontel lui-même ou des rôles plus secondaires, mais toujours biens écrits comme ceux joués par Bastien Ughetto, Marilou Aussilloux et Catherine Davenier. Et pompon sur la cerise, quelques noms « surprises » figurent à l'affiche du dernier film réalisé par Albert Dupontel.
L'analyse sociale d'Adieu les cons est particulièrement bien pensée et très loin de ce qui se fait habituellement en « frontal ». De son titre à son traitement, le réalisateur crée des oppositions fortes pour mieux les mettre en avant. Cet aspect se caractérise autant dans la destinée des personnages que dans leurs caractéristiques. Ce n'est pas anodin si un personnage est aveugle quand le monde autour est ultra connecté et ultra voyeur. C'est n'est pas non plus par hasard qu'un personnage soit atteint de la maladie d’Alzheimer quand le monde fiche et enregistre nos moindres mouvements.
C'est d'autant plus pertinent pour Suze Trappet, impérialement interprété par Virginie Efira. Suze est atteinte d'une maladie des poumons. Une maladie qui étouffe. Elle ne peut plus respirer dans un monde, paradoxalement, déconnecté des réalités. Tous les personnages principaux de l'histoire sont les victimes portes étendards des dérives modernes d'une société qui n'est plus en phase avec les grandes problématiques de notre temps.
Adieu les cons dégage une douce et étrange puissance mélancolique. Les personnages créés par le réalisateur ne chercheront jamais à s'extirper de leur condition. Leur quête est toujours plus noble, toujours plus humaine. C'est uniquement comme cela qu'ils trouveront leur salut, les pieds sur terre. Bien qu'Albert Dupontel exècre certains penchants du monde d'aujourd'hui, il n'en demeure pas plus un vieux boomer aigri. En effet, pour repousser les assauts des « forces supérieures », ses personnages sont toujours dans l'action et uniques maîtres de leur destinée.
Mais pour autant, Adieu les cons n'en oublie pas dans son amertume de divertir avec son humour noir, des situations grandiloquentes et une réalisation artistique originale. Chez Albert Dupontel quand il faut mettre les moyens techniques pour donner une intention à une scène, un plan, un regard, une émotion... de cela émerge une réalisation à la hauteur de ses ambitions donnant ce cachet si poétique au long-métrage. L'ensemble est baigné au rythme de la belle partition musicale composée par le talentueux Christophe Julien.
Certains qualifieront peut-être le long-métrage de naïf, mais Albert Dupontel ne fait que nous montrer toute l'humanité et la simplicité de gens normaux qui n'aspirent à rien d'autre que leur propre survie. Sans jamais verser dans le pathos, on ressent d'authentiques, naturelles et sincères émotions.
Adieu les cons n'est ni une comédie ni un drame, c'est un bouleversant et original conte social.