Portrait de jeunes filles en feu

Il est assez ironique que deux des meilleurs films de 2020 soient deux films français rétrospectifs. D'un côté, Play d'Anthony Marciano qui revenait sur le parcours d'une bande de potes sur vingt ans à travers des enregistrements. De l'autre, Adolescentes qui montre deux jeunes filles nommées Emma et Anaïs sur cinq ans, de la même manière que Boyhood de Richard Linklater (2014). Sauf que cette fois-ci, il s'agit d'un documentaire.

Voulant initialement partir sur des garçons, Sébastien Lifshitz a fini par miser sur deux filles et un garçon suite aux recommandations de différents chefs d'établissements, avant de conclure sur les premières qui étaient ironiquement meilleures amies. Les venues du réalisateur étaient visiblement variées, parfois en fonction de ce qui arrivait à ses héroïnes (le bac, le brevet, des incidents, des disparitions etc).

Ce qui frappe assez rapidement avec Adolescentes est que l'on n'a jamais l'impression de regarder un documentaire, mais un pur teen movie rétrospectif. On suit les héroïnes de manière très naturelle, sans un quelconque voyeurisme (les filles parleront ouvertement de leur première fois entre copines, mais vous ne verrez absolument rien et idem pour des sujets liés) et surtout elles se révèlent rapidement attachantes. Tout simplement parce que que vous voyez un garçon ou une fille, vous pouvez vous retrouver dans le parcours d'Anaïs et Emma.

Anaïs a traversé pas mal d'épreuves dramatiques en un an, tout comme Emma a dû se battre plus d'une fois pour faire comprendre ses choix auprès de ses parents. Ce qui ne veut pas dire que Lifshitz diabolise ces derniers. Ce sont des parents qui sont parfois inquiets pour l'avenir de leurs enfants, parfois très proches au point que le cordon est difficile à couper, voulant le meilleur pour eux. Même si le film porte plus sur leurs enfants, les parents ont également un grand rôle à jouer et on peut les comprendre par moments comme pas du tout. Mais cela tient du pur point de vue du spectateur. Certains seront agacés par des réactions, d'autres pas du tout.

Au fil du film et donc des années, on voit comment les filles évoluent, comment elles préparent leur avenir, la manière dont elles réagissent à certains faits (les attentats de 2015 comme les présidentielles de 2017) ou à des éléments personnels (la première rupture par exemple)... Les adolescentes deviennent grandes et quand on arrive au final, on a envie de continuer à suivre leur parcours, de voir ce qu'elles deviennent. Donc à voir si le réalisateur aura envie de revenir vers elles pour un nouveau documentaire (après l'adolescence, la vie de jeune adulte ?), voire même de découvrir les premiers pas d'actrice d'Emma à l'avenir.

Emma et Anaïs ont chacune une personnalité spécifique et même si elles ont des copines bien à elles, elles reviennent toujours l'une vers l'autre. Là encore, le naturel des situations (potentiellement proches de notre propre jeunesse) fait beaucoup dans l'adhésion envers ce duo et le film lui-même. Au passage, soulignons la très jolie musique du groupe Tindersticks.