L' Italie d'en bas du bas. Même si tu l'aimes pas, tu la quittes pas comme ça.

A chacun son fameux top 10. Sa liste de films hyper-sélectionnés. Cette liste bourrée d’œuvres dont on remercie le ciel qu'elles existent, tout simplement parce qu'on les trouve parfaites, qu'elles nous ont subjugué de la 1ère à la dernière minute. Qu'en modifier le moindre détail (scénario - dialogue – rythme - musique – caméra - effets etc..) serait une erreur. On y a trouvé ce que l'on recherche, un peu comme dans la musique, une sorte de résonance abstraite avec son auteur et son travail. Et bien ces Affreux, sales et méchants occupent une grande place dans mon Panthéon du cinéma, ils n'auront pas besoin de faire de progrès pour ça.
Un scénario limpide, nouvelle évolution remastérisée de l'Avare de Molière. Avec plusieurs changements bien sur, d'abord le décor, on passe du château bourgeois à la fange d'un bidonville, d'un classique et coloré tableau à la Ingres à une toile de fonds bien plus sordide mais tellement plus riche et flashy. Ici la tâche de nous amuser ne repose plus uniquement sur les épaules d'un seul personnage, même si l'on a affaire à une sorte de mix d'un Arpagon, d'un roi Lear et d'un Picsou de service. Non, ici, à côté de cet avare suprême qui protège son magot l'arme à la main, toute la famille est mise à contribution pour nous surprendre et nous distraire, nous étonner et nous faire marrer. On y gagne assurément au change si cela est possible.
Il y a cette caméra parfaite. Rien d'incroyable c'est vrai lorsqu'il s'agit d'un maître italien de la belle époque, ami et concurrent du grand Sergio Leone. Mais tout de même extraordinaire. Un jeu d'acteur si parfait qu'il donne le sentiments que les personnages sont les vrais habitants du bidonville..
Il y a cette musique qui, à défaut d'être omniprésente, intervient plutôt comme un personnage supplémentaire venant discrètement appuyer l'effet recherché dans les moments ou sa présence est choisie ; elle sera tour à tour mélancolique, enjouée et entraînante grâce aux accordéons, maracas, etc.. quand il ne s'agit pas de simples mais inquiétantes notes de piano ou d'orgue tantôt déposées, tantôt martelées.
S'il est vrai que le contexte laisse peu de place à des dialogues subtils... Il en offre en revanche une grande à des situations uniques et impossibles à décrire sauf à vous dévoiler trop de gags. Je vous dirai tout de même qu' il faudra par exemple encaisser les «casses toi d'la salope. Vieille pute !» adressée par Giacinto  à sa vieille mère (!) (qu'il soupçonne d'avoir piqué et caché son pognon dans son fauteuil roulant). Une violence qui s'adresse à une mère pourtant totalement acquise à sa cause, une mère qui sait pourtant toujours trouver les mots justes pour conforter la détermination de son fils à garder son argent ! Par exemple quand elle assène de sa voix de sorcière rocailleuse et aigue un amusé « T'as raisoon mon fiils, lui donne rien, rien du toouut ! Nothiing !! » lorsque l'un des enfants de Giacinto  émet l'idée d'un prêt d'argent familial lui permettant d'ouvrir son petit commerce. Car c'est bien de l'amusement qu'elle ressent à l'écoute des difficultés et suppliques de son petits fils dont elle n'a totalement que faire ni du présent ni de l'avenir.
Les cerveaux trop embourgeoisés auront du mal à supporter toutes ces chiottes, ces saloperies, ces salopes, raclures, ordures, pétasses, trainées... toutes ces merdes..., ces gueuletons avalés à la main, attablé dans des espaces jonchés de détritus, avec la sauce qui dégouline sur les gros nichons de service.. Du mal à regarder la gentille et naïve adolescente de la famille placer tous les matins, toute sa marmaille de petits frères et sœurs dans une cage à ciel ouvert grillagée et exiguë. Bien sur cela plus dans le but de les protéger du danger qui règne dans le quartier durant la journée que des intempéries... Eux qui n'ont évidemment pas accès à l'école. Du mal à encaisser les claques foutues sur la gueule de sa femme par Giacinto lorsqu'il veut qu'elle se pousse un peu pour offrir une place supplémentaire dans le lit conjugal à Cybelle sa nouvelle conquête. Oui, il faudra aussi supporter d'apercevoir pendant ce temps ladite Cybelle s'offrir une discrète partie de jambes en l'air dans un coin de la chambre avec l'un des fils de son amant Giacinto ; cela pendant que ce dernier est en train de corriger son horrible bonne femme qui n'a pourtant fait que de se plaindre de ce ménage à 3 imposé. Et dans la foulée encore supporter d'admirer les grosses fesses bien galbées que la belle cybelle Botero expose ostensiblement au dessus des couvertures à la vue de tous, sans doute pour obtenir de la part de l'un des autres fils disponibles le droit à une petite galipette supplémentaire. Ce qui interviendra fatalement le lendemain matin alors que le sommeil de Giacinto est encore alourdi de sa cuite de la veille. Et aussi sa tentative de meurtre sur l'un de ses fils qui l'ouvre trop... Ou celle de l'ensemble de la famille dont il sera cette fois la victime, par gavage de mort au rats dans une scène de banquet mémorable... Car oui évidemment, ces enfants sont bels et bien les portraits crachés de leur père, comment pourrait il en être autrement. De la même façon que Giacinto n'est d'ailleurs que celui de ses parents. Il s'agit bien d'un destin déjà tracé. Un destin qui le poussera jusqu'à revenir vivre dans son bidonville parmi les siens qu'il déteste. Malgré tout cela, malgré le nouvel afflux d'oseille dont il dispose après la vente en cachette de sa maison. Et toujours ce destin qui le poussera, durant toute la vie d'alcool qui lui reste, à continuer à protéger son magot.
Oui supporter cet affreux, ce sale, ce méchant. Le supporter pour rire avec nous qui sommes pliés et qui savourons ces moments.
Pour aussi se rapprocher de ces rebus anonymes d'en bas du bas, pour mieux les comprendre et les respecter - à défaut de les aimer ce qui est parfois compliqué  ; )
C'est le sens que je vois au film de ce réalisateur engagé et génial qu'est E.Scola.

Walllou
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le 24 déc. 2014

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