Au coeur de mes ténèbres, moi Aguirre la colère de Dieu!

Une descente sur un fleuve durant la conquête de l'amérique du sud par les espagnols...
Une descente aux enfers. On sort du moyen âge pour aborder la renaissance .
Une descente au coeur des ténèbres comme dans le livre de Joseph Conrad.
Une descente au fond du gouffre de la déraison, scandée par la musique hypnotique de Popol Vuh qui prend aux tripes et le jeu halluciné d'un Klaus KINSKI qui donne corps et vie au mot étrange...
Un rêve de création d'un empire incestueux, d'un mariage à venir entre un père et sa fille au sein d'un état vierge et d'une nature immobile..
L'eau coule comme le sang s'écoule hors du corps des hommes, accrochés au rêve de l'or magique qui les attend dans ce monde que les blancs assassinent à coups de maladies et de fusils.
Aguirre est un homme qui devient son propre Dieu. Créateur de sa légende à forger et à venir, père de l'enfant à venir de sa propre fille, il se mesure à la forêt qui l'entoure et va finir par l'absorber, au fleuve qui mène aux enfers, lui ses rêves dorés et sa petite troupe d'hommes habillés de fer et de cuir.
Un monde ancien dirigé par un ordre cosmique disparait sous les coups de boutoir d'un christianisme cannibale, impérieux. ( mangez car ceci est mon corps, buvez car ceci est mon sang! )
Un monde haineux et jaloux naît à la croisée du choc de deux civilisations qui sombrent dans une incompréhension mutuelle.
Un monde impérialiste, fasciste dans sa détestation et son mépris des autres ethnies, cultures, mœurs et sourd à toute fascination ou compréhension...
Le Christianisme et son cortège de massacres et de génocides ordinaires envahit les deux Amériques pour s'en repaître comme un jaguar affamé.
Comme toute conquête, en tout temps, tous lieux et comme à chaque époque du développement d'une civilisation et de son désir d'expansion, les autres cultures, les autres, vont être balayés par la marée montante de cet autre monde sourd et aveugle.
Un monde reste lui toujours présent, impassible, impavide face aux hommes et à Aguirre et ses petits brasiers.
La nature éternelle, le brouet du départ, la canopée qui écrase les casques des batailles humaines et engloutit les blessés et les morts les emportera au bout de cette dérive mortelle sans faillir.


Les hommes meurent lentement, les uns après les autres pour que le cauchemar éveillé d'un apprenti conquistador devienne réalité.
Un des plus beaux films que j'ai jamais vu sur l'obscure part de l'âme humaine confrontée à la lenteur et à la puissance d'une nature indomptable..
Il reste sur ma rétine l'image tremblante de cet homme seul sur un radeau, vociférant, admonestant son royaume fou et son peuple composé de singes hurleurs. Le radeau s'enfonce dans la chimère et il ne restera que cette histoire devenue légende... Aguirre, haineux, jaloux, emporté et colérique sera Empereur du monde inconnu ou ne sera pas.
Mais s'agit-il de Aguirre ou de la folie réelle et cadrée par magie et par une caméra tremblante de l'acteur Klaus Kinski que même les indiens du cru voulaient tuer tellement ils le craignaient... Troubles reflets sur l'écran que cet acteur, que le réalisateur Werner Herzog, tous deux au bord constamment de l'aliénation et du désastre causés par un relief et des conditions de tournage dantesques nous offrent.. Les résultats sont perceptibles à l'écran de façon quasi physique...


Une merveille de cinéma et un bijou de sensations et d'odeurs...
A recommander très fortement...

Prosper666
10
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le 15 févr. 2016

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Prosper666

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