Marquant. Unique. Aguirre, la colère de Dieu est un film qui ne s’oublie pas. Il n’existe pas d’autre film comme lui, aussi fou, aussi gracieux. Par son atmosphère fantaisiste absolument fascinante qui nous happe dès cette scène d’ouverture magistrale, dantesque avec ce travelling à travers les nuages et cette musique inoubliable. Première grande collaboration entre Werner Herzog et Klaus Kinski avec la portée de folie qui en découle, Aguirre est contaminé par cette folie, par ce Klaus Kinski habité, démentiel et démesuré, par ces personnages qui s’écroulent dans ce vide tourbillonnant au milieu des rapides. Malgré la place qu’il laisse à la nature, Werner Herzog crée là une vraie ambiance de huis-clos, aussi forte que radicale. A l’air libre, les personnages sont prisonniers, de ce fleuve qui tourne en rond et n’en finit pas, de ce chef qui dérive vers la folie, de cette mort qui rôde et serpente lentement vers Aguirre. Contemplatif et hypnotique, ce film a aussi lancé une mode de film autour de la rivière dans le cinéma américain et j’ai surtout pensé à Délivrance pour ma part. Mais cette dimension onirique et fantastique, elle ne se retrouve nulle part ailleurs. Aguirre est le pionnier, un film d’un autre temps, un monde immergé, sauvage et reculé, où la nature a encore tous ses droits remis à la surface de ces eaux qui n’ont pas d’âge par un Werner Herzog transcendé au contact le plus direct de son équipage. Le spectateur est pris dans un étau, immobile au milieu du radeau, il ne peut plus que tourner la tête et y voir émerger cette folie grandissante. Sans explication rationnelle. Mais rationnel, le film ne l’est pas non plus, il est un mystère insaisissable et fascinant. La proximité rend le film encore plus beau, plus brutal, plus oppressant. On est envoûté et embarqué jusqu’à ce final grandiose lui aussi, Kinski dans son détachement à la réalité le plus total et sous un soleil de plomb demande qui est avec lui. Personne. L’Eldorado est un mythe. Aguirre, la colère de Dieu en est un lui aussi. C’est une très grande œuvre de cinéma à n’en pas douter, quelque chose de fort et presque expérimental, qui n’existerait plus aujourd’hui.
Vino
8
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le 2 mai 2014

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