Aimer, boire et pleurer


Alain Resnais laisse derrière lui une œuvre phénoménale et nous quitte avec ce film, troisième adaptation d'une pièce d'Alan Ayckbourn. Aimer, boir et chanter est une chronique vaudevillesque de trois couples, malmenés par un homme en fin de vie : Georges. Et comme ce qu'il n'a cessé d'entreprendre tout au long de son œuvre, Resnais s'évertue encore une fois à inventer une nouvelle forme de cinéma, pour quel résultat ?


Tout comme il l'avait fait pour Smoking / No Smoking et Cœurs, Alain Resnais invente un nouveau dispositif de cinéma pour cette adaptation d'une pièce d'Ayckbourn. Et une fois de plus, c'est une réussite formelle indéniable. Aimer, boire et chanter se situe entre le cinéma, le théâtre et même la BD, grâce à la participation active de Blutch. On est donc dans un pur produit Resnais qui, a plus de 90 ans, continue à renouveler le cinéma.
Malheureusement, contrairement aux deux précédentes adaptations d'Alan Ayckbourn, ce dernier film se veut nettement moins ambitieux. Doté d'une très belle forme, Aimer, boire et chanter peine à dépasser le vaudeville et ne raconte finalement pas grand chose. On est loin du message universel de Smoking / No Smoking. Alain Resnais nous a donc pas quitté avec son grand chef d’œuvre, ni avec le parfait film-testament comme aurait pu l'être Vous n'avez encore rien vu. Néanmoins ce film restera dans les mémoires pour ses innombrables hasards qui entrent en résonances avec la mort de son auteur.

Ce dernier film d'Alain Resnais a forcément une saveur particulière. Les résonances d'Aimer, boire et chanter avec la mort de son auteur sont extrêmement troublantes. D'une part l'affiche de Blutch, avec cet homme au ciel, la tête dans les nuages, qui continue de veiller sur les acteurs. Ensuite ce personnage de Georges, qu'on ne voit jamais, mais qui dicte tous les comportements des personnages, comme Resnais avec ses acteurs. Et puis cette dernière scène de l’œuvre de Resnais : un enterrement, celui de Georges justement.
Alain Resnais, homme humble s'il en est, s'est éclipsée derrière ses acteurs avant de nous quitter. Comme dans Vous n'avez encore rien vu, il déclare son amour au cinéma à travers ses acteurs. Il leur dresse un canevas pour mettre en valeur ces personnages, tous formidables, tout spécialement Michel Vuillermoz et Hippolyte Girardot qui subliment la langue de Resnais.


Même si son Aimer, boire et chanter n'est pas son film le plus réussi, Alain Resnais, loin de se reposer sur ses énormes lauriers, a su une nouvelle fois se réinventer. Ce film reste un pur plaisir de cinéma, neuf et imaginatif, qui nous fera regretter la mort de ce monument du cinéma français.
JimAriz
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le 10 avr. 2014

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JimAriz

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