Akira
7.9
Akira

Long-métrage d'animation de Katsuhiro Ôtomo (1988)

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Il y a un genre de film dont il n'est pas toujours simple de parler, ce sont ceux qui nous ont laissé sur la touche au premier visionnage mais pour lesquels notre vision change avec le temps. Pour parler de l’avis général du public et prendre des exemples simples, Blade Runner de Ridley Scott ou bien Pocahontas des studios Disney n’ont pas été des mieux accueilli à leur sortie (le premier s’est fait saborder et le second a entraîné l’avènement du troisième âge noir chez le studio de Mickey) mais ont gagné en popularité et en reconnaissance avec le temps. Dans des cas plus personnels, j’ai dû revoir Shining après avoir lu le roman avant de l’adorer pleinement ou encore revoir *Inception*par 3 fois avant de pleinement l’apprécier. Et cette réévaluation à la hausse concerne également le film d’Ôtomo qui m’avait laissé une impression très froide voire presque indifférent il y a un peu plus d’un an.


Akira, si il a connu le succès et la renommée sur le territoire japonais comme le manga que l’auteur adapte lui-même su grand écran (après s’être entraînée dans un court-métrage de Manie-Manie : les histoires du labyrinthe que je conseil de découvrir), ça n’a pas forcément été le cas en France ou l’accueil sera soit dans la pure indifférence en raison de la diffusion dans une dizaine de salles ou alors complètement rejeté avec la vision qu'on avait de l'animation en général et la censure pour certains animés n'aidaient pas (le cas Ken le survivant parlera à beaucoup).


Tout d’abord Akira, je pense qu'il ne faut pas le voir comme un film à personnage, mais comme la fin d’un monde qui était condamné à disparaître dés le moment ou la troisième guerre mondiale fut déclenché avec une société victime d’elle-même et de l’anarchie qui découle de l’hédonisme générale, et un éternel recommencement qui fait écho avec l’ouverture du film sur la métropole japonaise emporté par l’impact.


L’ambiance et la situation dans le néo-Tokyo de 2019 est elle-même introduite de manière très explicite et évidente : la révolte et la délinquance grondent et dominent dans les rues de la ville ou l’état ne peut ni contrôler les manifestations mécontentes sans user de la violence ou les duels de gangs sont monnaies courantes.


A ce titre, chacun des personnages joues un rôle avec un caractère simplifié : Kei et Ryu servant la révolution montrée ici face à la société dépensant abusivement le budget de l’état dans les expériences génétiques, le Colonel doublé par Pierre Hatet dans la VF supervisant les expériences génétiques sur les enfants mais dans le but d’éviter un deuxième apocalypse quitte à aller dans l’extrémisme dans les méthodes, Tetsuo le voyou du centre de réinsertion principale victime de cette machination et dont la quête vers Akira sera incertaine pour tous, le ministre Nezu qui représente le politicien hypocrite et oisif et dont la révolution qu’il soutient n’est qu’une façade pour servir ses intérêts ou encore Kanéda (celui auquel on s’identifiera le plus) un loubard sans avenir délaissé par l’Etat qui s’embourbera (plus ou moins par sa faute et ses initiatives) dans une future apocalypse qu’il n’avait surement pas prévu dans son programme.


Même si on aime pas le film, je pense clairement qu'on ne peut pas nier la maîtrise technique et l’incroyable esthétique qui constitue son point le plus logiquement aboutie pour représenter une ère en plein chaos : la lumière est magnifique, l’architecture envahissante de la métropole de Néo-Tokyo fait son impression à chaque fois qu’une partie du cadre se retrouve assailli même au plus profond de l’arrière plan, les mouvements et déplacement des personnages sont d’une fluidité incomparable et il est très dur de croire que cette adaptation sort de 1988 alors que maintenant encore la prouesse visuelle continue d’être salué par les fans et les néophytes du manga ayant découvert ce film sans avoir lu les BD. De même pour l’excellente musique de Yamashirogumi, le thème de Kaneda ou de Tetsuo n’avaient eu aucun mal à s’ancrer dans ma tête à mon premier visionnage, j’ai davantage apprécié au second surtout pour son ambiance qui décrit clairement l’intention du film : on entre dans ce film plus pour ce qu’on ressent devant la chute d’une société qui arrive à son terme que pour ses personnages (même si honnêtement, y’a pas de réel mal à dire des uns ou des autres).


Entre une intrigue qui choisit la carte de la précipitation en raison du contexte et le traumatisme de la première bombe nucléaire ainsi que ses retombées, Katsuhiro Ôtomo ne va pas se gêner pour insuffler une brutalité très présente à l’écran pour l’époque. Chiens abattu au milieu des embouteillages, corps criblées de balles en lieu public, vengeance sanglante de Tetsuo en pleine métropole jusqu’au stade olympique, anatomie réduit en bouillie par les pouvoirs de psychokinésie du cobaye, aucune concession n'est faite.


Et au final, une question reste judicieusement en suspens une fois le final passé : qu’est-ce finalement ce fameux Akira ? Une métaphore de la première bombe atomique lancée sur Hiroshima en 1945 ? Un enfant victime des radiations de la bombe voire même issue de celle-ci et dont le gêne a conduit à la naissance de Kiyoko, Takanashi et Masaru ? Un dieu adulé par un peuple fanatique n’attendant plus rien de son gouvernement ou de la société qui la trahie ou même abandonnée à un avenir inexistant (comme Kaneda et sa bande vivant dans un centre de réinsertion insalubre et vandalisé) ? Les thèmes sont là (l’expérimentation sur des êtres humains, les répercussions de la bombe d’Hiroshima représenté ici par le pitch d’ouverture, la portée religieuse avec les citoyens qui vont jusqu’à qualifier Akira de dieu du salut) et elles sont toutes reliés à ce fameux Akira qui hantent la mémoire collectif des gens et des principaux personnages suivis.


Mais, histoire de chipoter un peu, ça ne veut pas dire que tout le monde joue un rôle dans cette nouvelle apocalypse qui menace Tokyo (et surement le monde sans que ça ne soit évoquer) à chaque minute et qu’il n’y a pas des détails perfectible, comme Kaori la petite amie de Tetsuo étant complètement transparente


dont la mort est traitée par-dessus la jambe ou un des potes de Kanéda qui perd tout intérêt après avoir rapporté la mort de Yamagata à son chef de gang.


Y’a de quoi être laissé sur le trottoir avec la manière de découper le récit et d’enchaîner avec un rythme précipité les sous-intrigues politiques et plus intimes (même si cette précipitation trouve un sens ici), mais force est d’admettre qu’Akira n’a pas eu gratuitement un statut de film culte avec le temps, surtout que cette idée d’apocalypse en tant qu’ouverture d’un manga ou d’une œuvre animée japonaise a été reprise par la série Evangelion quelques années plus tard, et la brutalité de ce genre de futur dystopique s’est retrouvé plus d’une fois dans d’autres séries ou film animée de science fiction japonaise (Ghost in the Shell, Jin-Roh, Psycho-Pass). Sans être aussi excité que d’autres envers ce film, il faut attribuer à Akira aussi bien son influence sur les œuvres qui ont suivi que ses qualités en tant que film.

Créée

le 25 août 2017

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