Quatre ans après La merditude des Choses, le réalisateur Felix Van Groeningen retrouve son interprète Johan Heldenbergh dont il adapte la pièce de théâtre au titre à rallonge The Broken Circle breakdown featuring the Cover-Ups of Alabama. Une bouleversante histoire d'amour et de mort autour d'un couple jouant dans un groupe de Bluegrass, une musique proche de la country.
Alabama Monroe est donc l'histoire presque banal de Didier et Elise un jeune couple qui se rencontre et s'aime en célébrant l'amour, la vie et la musique. Le couple va être toutefois confronté à la terrible épreuve de la maladie de leur fille Maybelle …
Alabama Monroe est un mélodrame flamboyant qui choisit de totalement dynamiter sa structure narrative en mélangeant par brides les différents moments de cette vie de couple brisé par la maladie de leur petite fille. Ainsi dés les premières minutes du film , le cancer de la petite Maybelle est clairement montré à l'écran, le film ne sera donc pas un crescendo émotionnelle et narratif avec un climax dramatique construit sur une trame linéaire. On pourrait dans un court instant penser que le film saborde alors en partie son potentielle le plus émouvant en inscrivant le sort des personnages avant même d'avoir pris le temps de nous les faire découvrir et aimer, fort heureusement il n'en sera rien, bien au contraire.. Déjà le film parvient à nous faire aimer ses personnages en l'espace de quelques scènes seulement, ensuite à la place d'une dramatisation linéaire le film nous embarque tout de suite dans une lessiveuse émotionnelle non conditionné par la temporalité des événements … Cœurs sensibles vous voilà prévenus, Alabama Monroe ne va pas gentiment vous conduire aux larmes par le récit classique début, milieu, fin de son histoire ; le film va d'emblée vous prendre aux tripes pour ne jamais vous laissez le temps de sécher une larme. Dans ce véritable tourbillon émotionnel Felix Van Groeningen fera souvent preuve d'une redoutable puissance narrative comme lorsque il fera se succéder à sans doute la plus violente dispute du couple se déchirant au scalpel de mots terribles une scène montrant leur toute première rencontre avec des mots aussi doux et sensibles que leurs regards pétris de tendresse. Cette double séquence symbolise à merveille toute la sensibilité du film, elle illustre merveilleusement l'ascenseur émotionnel qui nous fait sans cesse passer des larmes de la plus triste des tragédies à celle de la mélancolie joyeuse d'un bonheur aussi solaire que fragile. Alabama Monroe est l'un des rares films que j'ai l'impression de regarder du début à la fin avec les yeux embués de larmes... Cette émotion est parfois joyeuse comme lorsque Maybelle retrouve sa maison avec une bande de barbus lui chantant Le lion est mort ce soir ; parfois déchirante comme lorsque ces mêmes barbus entonnent une berceuse lors d'un enterrement, parfois euphorisante comme lors de certaines séquences de concert ; mais surtout cette émotion et cette sensibilité à fleur de peau elle est constante durant tout le film et ne vous lâche jamais d'un pouce.
Le film est aussi porté par ses magnifiques comédiens avec tout d'abord Johan Heldenbergh magnifiquement charismatique en montagne hipster prête à fondre sous l'érosion des sentiments. De l'autre côté Veerle Baetens est bouleversante dans le rôle d'Elise, ce genre de personnage féminin à l'insolente beauté et la puissante douceur dont je tombe systématiquement amoureux. Il faut aussi saluer la performance de la jeune Nell Cattrysse dans le rôle de Maybelle dont l'innocente douceur se confrontant à la mort d'un oiseau vous laissera sans doute sur le carreau d'émotion. Autre élément important du film, la musique qui occupe une place si primordiale dans Alabama Monroe qu'elle en deviendrait presque l'un des personnage principaux. Pourtant guère fan de country et de Bluegrass j'ai pourtant fait tourner en boucle la bande originale du film après l'avoir vu pour la première fois en 2013. Les morceaux musicaux tantôt enjoués, mélancoliques ou tristes portent le film et ne cesse de faire écho aux sentiments des personnages jusqu'à ce final sublime ou un air pourtant presque enjoué de banjo vous tirera autant de larmes qu'un implacable requiem. Pour la petite anecdote lors de sa sortie la bande originale du film dépassera même en Belgique les ventes de celle de Titanic de James Horner .
Alabama Monroe est un film puissant et fragile qui célèbre la vie en parlant de la mort, transcende l'amour en évoquant la rupture ; le film porte en lui cette magnifique contradiction que nous sommes condamner à aimer ce qui devras pourtant inéluctablement mourir. Comme le chantait Balavoine : Dieu que l'amour est triste.