Alice au Pays des Merveilles et sa suite, La Belle au Bois Dormant avec Maléfique, Cendrillon, Le Livre de la Jungle, La Belle et la Bête… Parmi ses plus grandes franchises (entre Pixar, Marvel, Star Wars et désormais le catalogue de la Fox), les studios Disney ont trouvé un autre filon à exploiter à l’excès : l’adaptation de ses plus grands chefs-d’œuvre d’animation en films live. Et qu’importe si les critiques ne sont pas unanimes, le public et le succès commercial sont au rendez-vous ! Alors pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? C’est donc sur cette politique lucrative que nous nous retrouvons avec le nouveau projet du studio, à savoir la version live du très apprécié Aladdin. Une adaptation qui, en cette année 2019, doit se faire une place entre le surprenant – et très réussi – Dumbo et le mastodonte qu’est Le Roi Lion (attendu pour juillet prochain). Et qui, surtout, doit à la fois se démarquer et respecter comme il se doit son modèle animé. Ce dernier étant connu pour sa folie et son énergie, que retranscrivait à merveille l’interprétation vocale du regretté Robin Williams dans le rôle du Génie. Autant dire que sur le papier, Aladdin pouvait réussir : Guy Ritchie à la réalisation, un casting peu connu (hormis Will Smith), des bandes-annonce révélant un univers visuel grandiose… Mais comme la plupart de ses congénères, ce film déçoit grandement. Pour sa trop grande inutilité. Pour sa fainéantise et l’aseptisation qu’il apporte à l’œuvre originale.


Nous pourrions même dire que, jusque-là, Aladdin est le projet le plus prétentieux de la firme. Et pour cause, l’équipe du film s’était vantée depuis le début de vouloir moderniser le dessin animé. De lui apporter quelque chose de neuf qui puisse réinventer le temps, surprendre le public. Un fait que confirme de son côté Will Smith, en disant vouloir à tout prix s’éloigner de la performance de Robin Williams pour livrer quelque chose de frais, de nouveau. En soi, l’idée était forte plaisante et pouvait donner un semblant de raison à l’existence de ce projet, autre que lucrative. Mais une fois de plus, Disney tombe dans la plus grande facilité en restant collé aux basques de son modèle. Pourquoi inventer une intrigue si le scénario est déjà tout prêt ? Personnages, répliques, scènes, chansons, gags… tout est repris du film d’animation, et ce quasiment de A à Z. Il existe bien entendu des différences par rapport à celui-ci. Comme des modifications scénaristiques (Jasmine désirant devenir sultane plutôt qu’éviter le mariage, la rencontre entre Jasmine et Aladdin), des apports narratifs (une love interest pour le Génie, une similarité entre Aladdin et Jafar, un background géopolitique pour Agrabah…), de nouvelles thématiques (un point plus appuyé sur le féminisme de Jasmine), des chansons inédites… Mais tout cela reste ô combien mineur, anecdotique face à la trop grande ressemblance du titre avec l’œuvre de John Musker et Ron Clements. Nous obligeant à nous contenter de peu pour pouvoir apprécier un minimum le spectacle. Et encore, la pilule aurait pu passer si l’ensemble s’était montré efficace.


Il est même étonnant de dire qu’un réalisateur tel que Guy Ritchie se soit vautré de la sorte, alors que sa réputation s’est justement faite sur l’énergie de sa mise en scène. Que ce soit pour des films indépendants (Arnaques, crimes et botanique, Snatch, RocknRolla…) ou bien des blockbusters (les Sherlock Holmes avec Robert Downey Jr., Agents très spéciaux : Code U.N.C.L.E.). Même son dernier film, bide critique et commercial de l’année 2017 (Le Roi Arthur : La Légende d’Excalibur), possédait cette patte si caractéristique au cinéaste, qui transforme chacun de ses films en divertissement effréné, voire un chouïa foufou. Exactement ce qu’il fallait pour adapter Aladdin, justement connu pour sa folie ! Il est donc étrange de voir ici un long-métrage des plus amorphes, qui ne trouve son punch qu’à de trop rares occasions (la séquence « Je vole », la course-poursuite avec un Iago géant). Et si vous n’êtes pas convaincus par cela, attardez-vous sur les passages chantés. En effet, ces derniers et leur incroyable mollesse (mention spéciale à la reprise de Prince Ali) témoignent du je-m’en-foutisme qui s’est emparé du réalisateur sur ce projet. Que le bonhomme n’est pas du tout à l’aise avec l’aspect musical d’Aladdin. Qu’il s’est désormais perdu dans un paysage hollywoodien gargantuesque au point de se prostituer auprès des producteurs pour continuer à faire du cinéma. Une remarque qui s’applique également à l’oscarisé Alan Menken, grand nom des chansons Disney qui se retrouve ici à reprendre ses compositions et les dénaturer comme ce n’est pas permis. Leur faisant perdre toute malice, féérie et puissance.


N’y-a-t-il donc rien à sauver de ce film ? Pas grand-chose, il est vrai… mais suffisant pour dire qu’Aladdin n’est pas un ratage. Plutôt un énième blockbuster qui remplit son cahier des charges pour amuser le moins difficile des spectateurs. Les effets spéciaux par exemple. Ceux-ci, malgré quelques approximations visuelles (comme la gestuelle du Génie), sont plutôt agréables pour la rétine. Les décors sont dans l’ensemble plutôt grandioses. Les costumes on beaucoup de cachet. La plupart des comédiens s’en sortent honorablement, notamment un Will Smith qui ne s’est pas autant impliqué dans un rôle depuis bon nombre d’années. Il est tout de même dommage que certains d’entre eux n’ont pas suffisamment de charisme pour faire honneur à leur rôle respectif (Mena Massoud en Aladdin, Marwan Kenzari en Jafar…), faisant de cette version live une sorte de cosplay à très gros budget ne parvenant pas à retrouver ce qui faisait le charme de son aîné.


Si Dumbo s’était révélé être une bien bonne surprise, Aladdin replonge les adaptations live dans l’aseptisation la plus complète. Car à trop vouloir se rattacher à l’œuvre d’origine et ce sans parvenir à lui faire honneur sur bien des points, cette version live nous apparaît comme une pâle copie de son grand frère. Une réactualisation inutile et sans intérêt, qui divertira les personnes les moins exigeantes. De quoi appréhender Le Roi Lion (qui s’annonce à son tour comme un remake plan par plan de l’original) et les autres projets de la firme (les prochains étant La Belle et le Clochard et Mulan), si ce n’est pas déjà fait !


Critique sur le site --> https://www.lemagducine.fr/cinema/critiques-films/aladdin-film-guy-ritchie-critique-10013274/

Critique lue 228 fois

1

D'autres avis sur Aladdin

Aladdin
Behind_the_Mask
6

Un génie si vil ?

Déjà condamné sur la foi de quelques images aux effets approximatifs, et de tweets crétins de pisseuses émotives, cet Aladdin new look venait alimenter la complainte désormais routinière des...

le 25 mai 2019

51 j'aime

11

Aladdin
Walter-Mouse
3

Le marchand de souvenirs

La Belle et la Bête n'a pas seulement amorcé le recyclage avec lifting, imposé de force sur la charte concernant les remakes en prises de vues réelles des Classiques Disney, il a surtout fait prendre...

le 23 mai 2019

35 j'aime

11

Aladdin
Capitaine-CLG
4

♬ Prince Ali, oui c'est bien lui, on l'a déjà vu ! ♬

Imaginons l'échange que j'aurai pu avoir, en sortant de ma séance, avec Jean-Kevin : Jean-Kevin : Alors ? Ce remake live d'Aladdin ? Moi : Et bien... Jean-Kevin : T'as aimé ? Sans me spoilé stp. Moi...

le 6 juin 2019

26 j'aime

4

Du même critique

Batman v Superman : L'Aube de la Justice
sebastiendecocq
8

Un coup dans l'eau pour la future Justice League

L’un des films (si ce n’est pas LE film) les plus attendus de l’année. Le blockbuster autour duquel il y a eu depuis plusieurs mois un engouement si énormissime que l’on n’arrêtait pas d’en entendre...

le 28 mars 2016

33 j'aime

1

Passengers
sebastiendecocq
5

Une rafraîchissante romance spatiale qui part à la dérive

Pour son premier long-métrage en langue anglophone (Imitation Game), Morten Tyldum était entré par la grande porte. Et pour cause, le cinéaste norvégien a su se faire remarquer par les studios...

le 29 déc. 2016

29 j'aime

La Fille du train
sebastiendecocq
4

Un sous-Gone Girl, faiblard et tape-à-l'oeil

L’adaptation du best-seller de Paula Hawkins, La fille du train, joue de malchance. En effet, le film sort en même temps qu’Inferno (à quelques jours d’intervalles), un « Da Vinci Code 3 » qui attire...

le 28 oct. 2016

28 j'aime

4