Nouvel enfant de la cynique entreprise de recyclage de Disney, Aladdin transforme Guy Ritchie en un yes man impersonnel et méconnaissable. Paradoxalement, il lui offre aussi son plus gros succès au box-office. Mauvais génie ? Sans doute, mais alors pourquoi ce film est-il un gros plaisir (coupable) ?


« Prince Ritchie, oui c’est bien lui / Le nouveau yes man de Disney / Faut remaker, faut rebooter / Faut consommer. /Il est loin, le temps de Snatch / Le film, il l’a fait à l’arrache / Sans doute pour pouvoir se payer un gros yatch. »


Qu’on se le dise tout de suite : Guy Ritchie est totalement porté disparu de son propre film. Il est à peu près aussi impliqué que moi dans cette parodie naze de Prince Ali qui m’a demandé cinq minutes. Nulle part vous ne trouverez l’ombre de sa touch, si ce n’est, peut-être, dans le pire : à savoir quelques scènes au montage ultra nerveux… pour rien. Mais est-ce vraiment si grave ? Le monsieur n’a rien fait de potable depuis Sherlock Holmes et mes yeux se remettent à peine de cette espèce de soupasse infecte qu’était son Roi Arthur.


Aladdin est en effet une commande de plus, qui ne souffrirait qu’aucun élan artistique extérieur au studio ne vienne perturber son cahier des charges. Pour cause, il n’y a sans doute pas plus anti-artistique et plus commercial que l’opération de dépoussiérage des classiques Disney en live-action. C’est même un contresens absolu : ce qui fait la magie des classiques d’animation, c’est justement les possibilités infinies offertes par le dessin. Alors certes, le numérique peut aussi inviter à libérer son imagination, à créer des visuels dingues. Sauf que Disney, pour une raison qui échappe encore à à peu près tout le monde, s’acharne à vouloir rendre ses remakes photoréalistes. Génies.


Résultat : toutes les séquences les plus colorées et brillantes du film de 1992 sont un ratage complet. Les fonds verts se ressentent comme rarement, les préposés au SFX sont complètement à la rue. Si vous trouvez que Aladdin est un bon film, une réussite, achetez-vous des yeux, vraiment.


Là, vous vous dites : après avoir craché son venin sur le film trois paragraphes durant tel un Jafar du pauvre, il ne va quand même pas retourner sa veste à mi-parcours pour lui déclarer sa flamme ? Ce serait indécent. Bah…. si, carrément. Pardon. Non, désolé, vraiment. Aladdin, pour tout ce qu’il a d’indigent techniquement, réussit à être un gros plaisir coupable.


Et n’allez pas y voir l’effet de la nostalgie sur laquelle Disney capitalise à fond. Je ne suis pas un Disney-addict, les classiques des années 1990 n’ont pas bercé mon enfance. Le Aladdin de 1992 a toujours été pour moi un joli film d’animation parmi tant d’autres. Je préfère Pokémon Le Film, pour vous dire…


C'est peut-être les costumes, les chorégraphies ou le côté comédie musicale décomplexé. Surtout, cet Aladdin est précisément le négatif de l’original : ce dernier était splendide mais l’histoire était poussive, secondaire. Celui-ci est parfois moche, mais il se rattrape par son intrigue et ses protagonistes. Les acteurs sont globalement convaincants. Will Smith - et c’est peu dire qu’il était attendu au tournant dans son costume CGI bleu dégueulasse - ne s’en tire pas si mal et cabotine juste assez. Mena Massoud est plus que correct, rien à reprocher compte-tenu du niveau du personnage… Aladdin n’a jamais été très intéressant, avouons-le. Bien moins que le Génie, et bien moins que Jasmine.


Jasmine. Naomi Scott. C’est la grosse réussite du métrage, qui a épaissi ses enjeux notamment en donnant un vrai rôle à la princesse. C’est du Me Too pondu avec la finesse d’un sapajou transformé en pachyderme. Et encore, si ledit pachyderme rentrait dans Agrabah flanqué d'un cortège d'autruches. Ok. Mais, déjà, il va falloir s’y faire : Disney veut se racheter d’un siècle de princesses décoratives. Et puis, quand c’est bien interprété et - relativement - bien écrit, pourquoi bouder ?


Donc : bien joué Disney, je suppose. Vous m’avez bien eu.


Libérez Guy Ritchie, tout de même, s’il vous plaît. Même un réalisateur en perdition peut avoir un coup de génie.

Cyprien_Caddeo
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le 15 juil. 2019

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