Aladdin,jeune voleur des rues d'Agrabah,se retrouve en possession d'une lampe magique d'où sort un génie capable d'exaucer trois de ses voeux.Le garçon espère en profiter pour séduire la princesse Jasmine,dont il est amoureux,mais il va se heurter à Jafar,le cruel conseiller du sultan qui voudrait bénéficier des sortilèges de la lampe pour prendre la place de son patron.Ce grand succès des studios Disney est principalement l'oeuvre du célèbre duo John Musker-Ron Clements,ici réalisateurs,scénaristes et producteurs délégués,et c'est le troisième de leurs sept longs-métrages d'animation pour la maison Mickey.Pour parler tout de suite des choses qui fâchent il faut signaler la piètre qualité visuelle du produit,parfaitement typique du mauvais goût de la firme dans les regrettables années 90.Le graphisme est laid,l'animation heurtée,les couleurs criardes.Bizarrement,car c'est souvent le contraire qui arrive dans le dessin animé moderne,ce sont le scénario et les dialogues,admirablement écrits,qui font le prix de l'oeuvre,ce que l'on doit sans doute moins à Musker et Clements qu'à leurs deux coscénaristes Terry Rossio et Ted Elliott,formidables auteurs responsables des scripts de films tels que "Le masque de Zorro","Shrek" ou les quatre premiers "Pirates des Caraïbes".Le pari était pourtant risqué car ils ont concocté un audacieux mélange de contes orientaux,convoquant pour l'occasion "Aladin ou la lampe merveilleuse" mais aussi "Les mille et une nuits","Ali Baba et les 40 voleurs","Sinbad le marin",ainsi que le film "Le voleur de Bagdad" ou les BD "Iznogoud".Mais la sauce a pris à merveille et le film est un régal,mêlant action débridée et fantaisie humoristique.L'histoire est savamment rythmée et,s'appuyant sur une narration très maîtrisée,rebondit en permanence avec élégance et cohérence.Tous les personnages sont fortement caractérisés et existent avec leurs qualités et leurs défauts car,suprême habileté,il n'est pas question d'une sempiternelle lutte frontale entre un Bien et un Mal totalement manichéens,ce qui est hélas en général le lot d'un cinéma sans imagination,mais plutôt des forces contradictoires qui traversent tout un chacun et font balancer l'âme humaine entre ces deux pôles.Les gentils ont leur part d'ombre,les méchants ont leurs raisons et sont suffisamment drôles pour être relativement sympathiques.C'est une lutte continue qui fait balancer les protagonistes entre Bien et Mal certes,mais aussi entre mensonge et vérité,trahison et fidélité,égoïsme et don de soi,aveuglement et lucidité,bonté et cruauté,cupidité et générosité,chimères et réalité.La caricature épargne donc les personnages,avec des héros en proie au doute et à l'hésitation qui devront puiser profondément en eux pour trouver les ressources nécessaires à leur victoire,et des méchants déterminés mais maladroits et malchanceux.Aladin et Jasmine,le couple de jeunes premiers,parviennent à ne pas être fades et énervants,ce qui est trop souvent le cas des personnages positifs.Le garçon est un petit délinquant mais il a bon coeur et agit plus par nécessité vitale que par goût de la truanderie.Cependant ses mauvaises habitudes le placeront devant des dilemmes difficiles à résoudre et il devra pour avancer s'affranchir de sa rouerie coutumière.La princesse fait partie de ces héroïnes Disney au fort caractère qui refusent qu'on leur impose leur destin,mais elle saura aller au-delà de ses positions butées pour pardonner et vivre l'amour qui se présente de manière inattendue.Le génie est un incroyable showman mêlant mégalomanie intrinsèque et soumission contrainte,qui se révèlera beaucoup moins superficiel qu'il le parait.Il assure une bonne partie de la dimension comique du film,en compagnie notamment d'un Jafar qui,bien que sinistre,montre une telle délectation dans la manipulation et la cruauté qu'il en devient jouissif.D'autre part les persos vedettes sont tous accompagnés d'animaux absolument hilarants,qu'il s'agisse de Iago,le perroquet vénère et râleur de Jafar,d'Abu,le singe malin et voleur d'Aladdin ou de Rajah,le tigre protecteur de Jasmine.Et puis il ne faut pas oublier la musique et les chansons d'Alan Menken,formidables compositions judicieusement disséminées au long du film et pas envahissantes,une BO qui vaudra à son auteur un Oscar et un Golden Globe.On retient particulièrement le drôlatique "Prince Ali" et le planant,c'est le cas de le dire,"Ce rêve bleu" ,titre qui obtiendra lui aussi un Golden Globe ainsi qu'un Grammy Award.Cette musique participe activement au délicieux rendu d'ambiance orientale matérialisée à l'image par les palais somptueux,les déserts de sable,les minarets,les marchés grouillants de chalands,les charmeurs de serpents,les fakirs à planches cloutées,les avaleurs de sabres,les cracheurs de feu et même un tapis volant qui aura un rôle crucial dans l'histoire.