Propagande en carton pate

Eisenstein n'avait rien tourné depuis 10 ans. Pendant cette décennie tous ses projets se sont vus avortés les uns après les autres, même ceux dont le tournage avait commencé ("Que viva Mexico" et "Le pré de Béjine"). Staline lui commanda "Alexandre Nevski", illustrant la mise en déroute de l'invasion teutonique du 13° siècle. Evidemment cette commande de pure propagande n'avait d'autre but que de faire le parallèle avec la menace nazi. Le film disparue d'ailleurs soudainement des écrans russes lors de la signature du pacte de non agression germano-russe. Et réapparue tout aussi précipitamment lors de la rupture de celui-ci.
Considéré comme un chef-d'oeuvre du cinéma russe, "Alexandre Nevski" a pourtant bien mal vieilli. Tout d'abord pour son coté propagandiste insupportablement simpliste et très bavard en discours. Mais aussi pour sa théâtralité: les décors minimalistes sentent le carton-pâte bien qu'on puisse apprécier leur stylisation; les armures en papier mâché et les épées en bois par contre... La mise en scène d'Eisenstein n'y échappe pas, celui-ci n'avait plus les mains libres sur ce projet très surveillé par le Parti Communiste et était même affublé d'un co-réalisateur alors que ses principaux collaborateurs de ses débuts disparaissaient dans les multiples purges politiques de l'époque. La séquence de la bataille sur le glace considéré comme le clou du film fait désormais pale figure face à des productions plus modernes au réalisme bien supérieur. De toute évidence, ces acteurs russes n'ont jamais tenus d'épée, ni fait d'escrime... heureusement que le réalisateur a gardé son sens du cadrage, c'est la seule chose qui reste à ce film.