"Moutarde ?!? Ne soyez pas ridicule !"

Un questionnement permanent hante le visionnage de ce film : qui en a pris le plus ? Le Chapelier ? Alice ? Les scénaristes ? Le vieux Lewis ? Moi ??? Bien évidemment, c'est un mélange de tout cela qui innerve Alice au pays des merveilles.

Adaptation libre du roman éponyme, décrié à sa sortie, il n'en reste pas moins aujourd'hui qu'Alice est un OVNI de l'univers Disney. Pourquoi ? D'abord parce que le schéma traditionnel n'est pas présent : pas d'histoire d'amour, ni de prince ni de princesse, ni de véritable antagoniste (à nuancer cependant, j'y reviendrais, pas de panique). Ensuite parce que l'histoire est un mindfuck le plus complet : l'univers onirique fait naître le rocambolesque et l'absurde tout autant que le bizarre et l'inquiétant. Une petite fille d'une dizaine d'années qui rêve, ça ne peut être que mignon et plein d'arc-en-ciel ; erreur ! Lorsque Alice rêve, elle flanquerait la frousse à n'importe quel gosse et à tout bon camé qui ne se respecte pas, ce qui est un rapprochement que je ne pensais pas faire un jour.

Le film se découpe en plusieurs tableaux, apportant chacun son lot d'incongruités et de psychologie par trop freudienne (et vas-y que je te bouffe des huîtres, que je croise une mégère avec ses œufs, l'image d'une mère (ou d'une sœur) tyrannique dans la reine de cœur). Et chacun de ses tableaux révèle ses personnages, sa "morale" ; tandis que je souris encore (pour ne pas dire que je ris) en revoyant la scène du thé ("Montre folle !! Montre folle !!!) et le loir qu'il est trop meugnon tout plein, la scène au milieu de la forêt, qui déjà m'effrayait petit, me laisse encore aujourd'hui, du fait de sa puissance évocatrice un sérieux sentiment d'inconfort, voire de malaise.

Cela étant, le dessin est plutôt réussi, proposant un panel de couleur cherchant à illustrer au mieux le monde des rêves, qui est d'ailleurs extrêmement bien rendu : qui n'a jamais rêvé de courir mais sans progresser, de franchir des portes dans des arbres, de voler tout simplement ? Et si le message freudien n'est pas visible aux plus jeunes (fort heureusement d'ailleurs), l'univers chatoyant mais inquiétant parle à tous. Car comme le dit le Chat-foin : "Rien n'est impossible".

Il est intéressant de noter la progression d'Alice, qui passe d'un "Nous ne devrions pas faire ça", rationnel et prudent, à chanter avec des cartes à jouer (du pique en l'occurrence) qui peignent des rosiers blancs en rouge pour plaire à la fameuse Reine de cœur, et le tout sans sourciller. Et partant, cette tourmenteuse des ciboulots, cette névrosée des inventions de ce sacré Joseph Ignace, effraie, tout bonnement. Elle a du pouvoir, une soif de sang inextinguible et est profondément sociopathe par dessus le marché.

C'est donc avec plaisir et surprise que je me suis replongé dans Alice au pays des merveilles, découvrant une nouvelle dimension du film avec toutes ces allusions, parfois vraiment malsaines. Il reste néanmoins un excellent dessin animé pour enfants, notamment par sa transcription du rêve très réussie.