Road movie sans destination précise, Alice in den Städten, à défaut de délivrer un message politique libérateur comme a pu le faire Easy Rider, offre une expérience davantage de l'ordre philosophique. Le spectateur commence par découvrir un journaliste complètement perdu aux Etats-Unis. En plus d'être complètement à l'Ouest et de ne pas rendre ses travaux à l'heure, ce qui lui vaut des difficultés financières constantes, celui-ci tente de se convaincre de l'intérêt de son action en citant des banalités.


Ce sera la rencontre avec la mère d'Alice à l'aéroport de New York qui va entraîner un changement intérieur du trentenaire chevelu. Alors que dans la plupart des autres films du genre, il s'agit pour les protagonistes de rejoindre un lieu nouveau le plus rapidement possible, ici c'est davantage un récit introspectif que Wim Wenders nous propose. C'est sans joie particulière que le journaliste quitte New York pour l'Europe. C'est également sans véritable conviction que celui-ci accepte de conduire Alice à travers l'Allemagne. Pourtant, c'est un retour aux sources salvateur qui attend notre protagoniste.


La lenteur de la progression du récit ainsi que la photographie éblouissante en noir et blanc, en plus de renforcer le caractère introspectif du voyage, offrent une dimension poétique savoureuse aux pérégrinations de ces deux êtres rencontrés par hasard. La musique hypnotisante et les partitions de Chuck Berry finissent de nous combler mais rappellent également que le rêve américain qui s'est partiellement réalisé en Europe au lendemain de la guerre ne répond pas totalement à l'attente créée.


La mise en scène parfaitement maîtrisée démontre également l'attachement du réalisateur au passé. Alors que le corps est en mouvement, le regard s'attache à observer la gare que l'on quitte plutôt que le nouveau monde qui s'offre au devant. Pourtant, notre journaliste montre sans raison apparente une confiance absolue en l'avenir. Toutefois, il lui faudra la perte d'une icône du rêve américain, John Ford, pour que l'accompagnateur d'Alice accepte de ne plus regarder derrière lui et finisse par admettre que son périple au pays des rêves est terminé.


Forcément touchant et servi par une réalisation merveilleuse, Alice in den Städten vise en plein dans le mille en nous offrant une mise en perspective de notre propre vie.

Kevin_R
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le 7 avr. 2016

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Kevin R

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