Bavard mais un délice pour les oreilles et l’esprit que cette rencontre sur la langue et les idées.

Disons-le d’emblée, ce long-métrage ne plaira pas à tout le monde tant il est bavard et essentiellement constitué de joutes verbales, de débats sur la philosophie et sur notre monde (politique, social, économique, sociétal, …) ou d’échanges sur la manière dont on conduit la politique. Il ne faut donc pas se fier à la bande-annonce et au marketing qui tentent de vendre le film comme une comédie. On sourit quelques fois à l’occasion de certaines répliques bien senties, majoritairement venant de Fabrice Luchini, ou de situations ubuesques quant au fonctionnement d’une grande mairie comme celle de Lyon mais il ne faut pas s’attendre à des éclats de rires comme nous avait habitué récemment le comédien. « Alice et le maire » est avant tout un film sur les écarts qui se créent en politique entre la pensée et l’action, entre ce qui conduit à la réflexion et ce qui pousse à agir. Après « Le Grand jeu », Nicolas Pariser continue donc dans la veine du film à contexte politique mais centre tout cela sur la naissance des idées et le débat que créé celles-ci ainsi que sur la notion de réflexion.


Concrètement cela pourra en rebuter plus d’un. Pas facile en effet de faire un film qui ne soit pas ennuyant ou rébarbatif sur des bases telles que celles-ci. En effet, beaucoup risquent de trouver cela touffu et répétitif voire même de décrocher. C’est très verbeux et certaines séquences abordent des sujets complexes. On peut donc avoir quelque difficulté à saisir la teneur des échanges des deux personnages tant le vocabulaire utilisé est soutenu et la réflexion plus poussée que ce que l’on peut attendre d’un film ciblé grand public. Mais les autres seront conquis par tant de prouesses linguistiques et de dialogues si acérés, chose devenue très rare dans le cinéma contemporain, la faute à un nivellement par le bas de l’éducation et de la culture (sujet dont parle le film d’ailleurs au détour de plusieurs dialogues). « Alice et le maire » nous prouve également que des films sur la politique et ses coulisses peuvent être passionnants comme l’ont été par exemple le français « L’Enquête » il y a dix ans ou l’américain « Les Marches du pouvoir » réalisé par George Clooney.


Cependant, on reprochera au film une image pas très jolie qui semble sortie d’un vieux film des années 80 ou 90 mais la mise en scène et le montage énergiques rattrapent le coup. On trouve également que la relation que débute Alice et le maire va un peu vite. Pas improbable, elle semble tout de même un peu précipitée de manière à amener au plus vite l’intrigue vers le cœur du sujet du film. Enfin, le propos du film est certes clair et limpide vu de loin mais certains dialogues pourraient sembler ardus et abscons pour une bonne partie du public. On ne s’en plaindra pas tant ce long-métrage est intelligent et intéressant. Quel bonheur en effet d’écouter de tels débats sur des sujets de société aussi variés que l’éducation, la démocratie, la fin du monde... Et on a même droit à quelques débats philosophiques, chose éminemment rare au cinéma. Cela a le mérite de donner des pistes de réflexion passionnantes au spectateur à la sortie de la salle. De façon plus triviale, il est aussi agréable et amusant de voir le fonctionnement parfois kafkaïen de l’administration qu’est une mairie. « Alice et le maire » est donc subtil, fin, délicieux et porté par un duo d’acteurs au diapason mais clairement pas pour tout le monde, surtout si l’on veut se divertir sans réfléchir.


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JorikVesperhaven
7

Créée

le 29 nov. 2019

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Rémy Fiers

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