(Alice et le maire, comédie dramatique, Nicolas Parisier, 2019.)
Les Municipales sont reportées pour les raisons que vous savez et pourtant, je vous en parle quand même aujourd'hui ! Pas de panique, 30 000 maires élus au premier tour, ça permettra à plus d'un d'aller à la plage ou à la pêche un dimanche de juin la conscience tranquille quand d'autres iront voter au second tour.
On ne va pas discourir sur la série de TF1 « Père et maire » avec Christian Roth et le regretté Daniel Rialet, mais d'un autre maire. Un maire, fatigué, à sec : Fabrice Luchini, qui prend le siège de Gérard Colomb en tant que maire de Lyon, nombreux sont ceux qui ne s'en plaindraient pas, d'ailleurs.
L'idée directrice du film est assez simple : Paul Théraneau (Fabrice Luchini), maire de Lyon et engagé en politique depuis plus de trente ans se sent fatigué, à l'arrêt, en manque d'inspiration. On lui attache une professeur de philosophie, Alice Heimann (Anaïs Demoustier) sensée l'aider à penser et à retrouver la flamme. Ces deux personnages, qui ne se connaissent pas, vont devenir petit à petit de plus en plus proches, de plus en plus essentiels l'un pour l'autre. Évidemment, cela fait jaser dans le cabinet du mort, voyant dans la « petite conseillère » une Pompadour en puissance, cherchant la promotion canapé qui dicterait sa conduite au maire essoré.
Or, il n'en est rien. Elle devient essentielle aux yeux de ce vieux loup du Parti socialiste parce qu'elle sort des cases. Elle sait être audacieuse, frontale, en dehors de toute forme de communication politique. Sa fraîcheur et son travail donnent un nouveau souffle à la destinée de celui qu'elle suit.
Lui, devient essentiel pour elle. En plus d'être son gagne-pain, il y a sans doute une certaine fascination pour l'homme politique et son aura. Il y a une obsession, elle est toujours joignable et il ne s'en prive pas, donc il est présent à chaque moment dans son esprit. Mais, cette relation n'est pas forcée, c'est aussi une complicité qui naît, distante, mais chaleureuse, un peu comme ces bonnes familles à l'ancienne où l'on vouvoyait père et mère et où l'on vous mettait les cheveux légèrement en bataille d'une caresse frictionnée quand vous aviez bien travaillé à l'école.
Au final, ces deux personnages sont un peu les mêmes, 30 ans (ou plus) les séparent, mais tous deux sont à la croisée des chemins. Elle, 30 ans termine ses études et ne sait pas quel avenir peut s'ouvrir à elle. Lui, 60 ans s'est déjà donné à fond pendant des années et maintenant ne sait plus non plus quelle voie prendre, se retirer dans l'ombre ou chercher défi plus grand encore. Ce film parle des générations, et montre qu'à tout âge nous sommes tiraillés à devoir faire des choix, si tant est que la notion de choix existe.
Surtout, ce temps, passé à suivre un maire d'une grande ville, nous réconcilie avec le temps politique. Il nous offre un regard juste, un regard vrai sur ce qu'est la vraie vie d'un maire, sur ce qu'est la fonction de l'homme politique de terrain. Ici, nous sommes très loin du rythme effréné d'une série comme Baron noir où une intrigue de cour en déclenche une autre dans son sillage. On pourrait dire que Baron noir est une vision fantasmée de la politique, qui ne montre que les grands usinages, qui donnent à voir un monde de trahison, de faux, de petites manœuvres.
A contrario, Alice et le maire, c'est le temps long de la politique, c'est l'inauguration des chrysanthèmes et des plaques du souvenir, c'est la longue et monotone séance de Conseil municipal. C'est la rencontre et la discussion avec le monde associatif et culturel local. Dans ce film, la communication politique n'est que la deuxième lame. L'essentiel étant la gestion au quotidien, la nécessité de continuer à penser sa ville.
C'est un film au rythme assez lent, mais qui nous invite à réfléchir sur la condition de l'homme politique. C'est celui qui ne peut pas avoir de coup de mou, qui ne peut faiblir. C'est celui qui accepte de prendre sur lui la lumière et/ou la conspuation. C'est celui qui doit sentir le moment, parce que la politique, même locale, c'est une question de moment et être en adéquation avec son temps. La politique, c'est trouver la brèche , c'est aussi la rater, et savoir ce que l'on doit faire quand on rencontre l'échec.
Ce film, au rythme lent, nous présente un Luchini plus sobre que sur les plateaux de télé. Anaïs Demoustier signe une prestation honorable, sans en faire trop elle arrive à nous convaincre dans le rôle de la jeune femme qui se tente spindoctor, alors qu'elle-même ne sait pas très bien où elle en est dans sa vie. De là à dire que son César de meilleure actrice est mérité, je ne sais pas, mais disons qu'il récompense sa constance au fil des films. Bref, ce second film de Nicolas Pariser, pas nécessairement très ambitieux, nous emporte vers un milieu que l'on a tendance à entourer d'un voile, comme s'il s'y passait des choses peu honnêtes, et répondant au cri du « tous pourris ». Ce que l'on peut en dire, c'est qu'il semble connaître et maîtriser son sujet. 5-6/10. Surtout, allez voter, enfin quand on le pourra à nouveau...
Profitez-en pour regarder des films, de tous genres, et si la panique et l'angoisse vous font comme une sorte de « fussoir », optez pour des comédies légères (il y en a de bonnes.).