Voici certainement l’opus qui peut se vanter d’être le plus proche du premier épisode (retour de la terreur, ça fait du bien), en changeant pourtant la formule initiale. Des choix artistiques couillus, qui ont cependant entraînés pas mal de soucis pendant le tournage (inutile de revenir sur les aléas du scénario ou les obligations de conformation au cahier des charges) et qui ont déclenché des réactions très diverses à la sortie du film (Cameron, pour ne citer que lui, désapprouve totalement dès les 5 premières minutes). On sent déjà une volonté de s’émanciper des règles du prédécesseur en bousillant d’entrée de jeu tous les survivants du précédent opus à l’exception de Ripley, seule rescapée du crash de sa capsule de survie sur la planète Fiorina-6, une colonie pénitentiaire de haute sécurité où sont rassemblés de multiples criminels possédant des chromosomes double Y. Un ramassis de violeurs et de meurtriers, plus ou moins sains mentalement, qui possèdent un code barre tatoué à l’arrière du crâne. En termes d’esthétique, le film est lui aussi un peu hybride (à l’image de son alien) puisqu’il se déroule dans un immense complexe industriel, un dédale labyrinthique de couloirs couleur cuivre qui s’étendent sur des kilomètres, confinant la quasi-totalité de l’action sous terre. Un terrain propice pour un film de trouille (ou tout simplement un film de couloir réussi, qui parvient à faire stresser dans les coudes, les recoins, les conduits d’aération qui débouchent partout…) qui parvient à tirer une certaine ambiance de tous ces décors étonnants, qui donnent à nouveau une identité visuelle particulièrement présente au film en général. L’intégration d’une certaine forme de religion (bien qu’aucun nom ne soit vraiment formulé, les détenus parlant de Foi alors que Ripley prend peu à peu une forme christique (si ce n’est pas sa volonté, c’est par la force des choses) vient encore ajouter de l’atmosphère au climat ambiant (on ne parlera pas vraiment de métaphysique, le discours religieux restant très limité et n’empiétant jamais sur l’action). Pour Ripley, c’est un nouveau travail qui est fait autour du personnage, notamment dans sa relation vis-à-vis de l’Alien (les deux personnages semblent indubitablement liés au fil des films, et le lien devient ici d’autant plus viscéral que Ripley porte en elle-même le futur de la race Alien). Cependant, si elle a compris l’existence de ce lien (elle est annonciatrice d’un fléau qui s’abat sur ceux qui l’entourent, figure quasi-mythologique), elle le rejette et décide de s’en défaire. Cependant, et pas de son propre avis, elle est d’abord chargée d’éliminer le dernier représentant de la race Alien avant de se supprimer, et se faisant, de sauver le monde. Une figure du sacrifice hyper dramatisée qui vient compléter les tirades théologiques qu’on n’avait pu entendre, mais qui ne prend l’ascendant sur l’action. Ces figures viennent épaissir les personnages, mais l’action et la peur sont ici toujours délivrés (un peu lentement au départ) en suivant un chemin qui gère plutôt bien son rythme, qui ne cesse de grimper vers le climax attendu. Alien 3 est avant tout LA suite qui se confronte enfin directement à la convoitise de la Weyland Yutani pour la race alien , ces derniers lançant des ordres à propos de Ripley et montant une opération spécialement pour la récupérer, le créateur même des droïdes se déplaçant en personne. Si l’Alien incrusté dans beaucoup de plans rapides a parfois mal vieilli et que l’on relève quelques fautes de goût (le passage avec l’androïde Bishop qui demande l’euthanasie…), Alien 3 prouve qu’il est toujours possible de faire peur avec un seul Alien et qu’un réalisateur peut toujours imposer sa patte dans un univers à priori codifié par déjà deux films. Si le résultat a grandement divisé les fans, les ambitions sont là, et certaines des obsessions parviennent à faire mouche, en tout cas plus subtilement que les élans maternels de Ripley. Un sacrifice total de Sigourney Weaver, et un film nettement moins catastrophique que ce qu’on nous avait laissé entrevoir (malgré, bien sûr les difficultés précédemment évoquées). On préfère toutefois la version longue, qui si elle substitue une vache au chien hôte et élimine le jaillissement de la reine, clarifie beaucoup mieux le centre du récit (le passage avec le piège et les produits inflammables devenant beaucoup plus compréhensible). A mon avis, la meilleure suite d’Alien à ce jour.

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le 15 juil. 2014

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Voracinéphile

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