Dire qu'un Alien à nouveau dirigé par Ridley Scott était le fantasme de beaucoup de fans relève du doux euphémisme. Après des années, et même des décennies d'espérance, Scott avait fini par remettre le couvert avec Prometheus en 2012.
Le réalisateur avait opté pour une posture étrange, déclarant qu'il s'agissait d'un film se déroulant bien dans l'univers de la mythique saga, sans pour autant revendiquer clairement qu'il s'agissait d'un nouvel épisode d'Alien, comme si lui-même n'était pas trop sûr de son coup ni de là où il voulait aller. Son film recueillera, du reste, un accueil tiède de la part des fans.
Cinq ans plus tard, Scott met enfin les pieds dans le plat avec un nouveau film dont le titre ne laisse planer aucune ambiguïté: Alien: Covenant. Autant dire que cette fois, on l'attendait au tournant.


Le début de ce nouvel opus, lui aussi, ne laisse guère de doute. Les premiers mots qui apparaissent à l'écran, le fond étoilé et les musiques rappellent l'introduction des épisodes d'antan.
Étrangement, la magie prend moins pour autant, comme si l'on restait sur nos gardes.
Après une étonnante première scène, se déroulant avant Prometheus et dont le propos pose les bases du film, la suite ( globalement toute la première moitié) semble définitivement vouloir raccrocher le wagon avec la saga.
Et sur ce point, cette première phase est plutôt réussie. Scott prend le temps de planter le décor, contrairement au début bien trop expéditif de Prometheus.
On apprécie du reste l'esthétique de l'ensemble et la volonté évidente de vouloir cadrer avec l'univers visuel de la saga. Néanmoins, on peut d'ores et déjà dire que l'atmosphère si particulière des trois premiers épisodes, qui dépeignait l'univers comme un lieu à la fois majestueux et terriblement inhospitalier, n'est ici que partiellement reproduite. La faute, peut-être, à une bande originale paresseuse dont les seuls thèmes dignes d'intérêt restent ceux repris du premier épisode.
Cependant à ce stade du film, tout restait encore possible et le suspense quant à la suite des événements était maintenu.


Pourtant, un premier constat s'impose d'ores et déjà: le casting déçoit. Là où Prometheus peinait déjà à faire illusion, Covenant rate le coche. Quand on repense à l'équipage du Nostromo dans Le Huitième Passager ou aux très badass marines coloniaux du second volet, le constat est amère. La plupart des membres du Covenant ont autant de charisme que le caisson cryogénique dans lequel ils dorment, et finalement, seul Michael Fassbender, déjà présent dans Prometheus, parvient à tirer un temps soit peu son épingle du jeu. Les autres servent essentiellement de chair à pâté et on ne s'émouvra guère de leur passage de vie à trépas.


Puis vient ensuite un événement qui va dérouter le vaisseau de sa trajectoire initiale. Sans trop en révéler sur ce changement de destination, on ne peut s'empêcher de penser à l'épisode initial de la saga. Et du coup, ça sent un peu le réchauffé.
Et si la suite ne nous donnera pas forcément raison, il n'en demeure pas moins que la seconde partie du film ne sera pas vraiment à la hauteur.
Passée la désormais traditionnelle descente atmosphérique puis la découverte de la planète, les choses sérieuses commencent, malheureusement serait-on tenté de dire!
A vrai dire, en dépit d'une perte de rythme assez dommageable, c'est surtout l'arrivée des aliens qui déçoit. Le premier mode de contamination est plutôt grotesque, même si la phase d'incubation puis de "sortie" tient la route. Mais ce sont surtout les créatures qui ne sont pas à la hauteur et qui sont loin d'inspirer la crainte d'autrefois. Non seulement parce que le choix de les réaliser en images de synthèse n'est guère convaincant mais également parce qu'elles sont mises en scène de manière très frontale. Elles ne se cachent plus dans l'ombre et ne sont plus aussi imprévisibles que dans les premiers films. Elles se contentent de tout détruire et tuer sur leur passage. En découle des scènes d'action brouillonnes et sans génie avec, ça et là, des passages gores pas très subtils qui mettent par terre toute la tension, la peur et le mystère qui régnaient autrefois.
Au final, la mythologie qui entourait ces créatures en prend un sérieux coup.


Dès lors, l'intérêt du film vient essentiellement des seuls personnages vraiment travaillés, à savoir les "hommes synthétiques", David et son homologue Walter. La saga Alien a souvent fait une place de choix aux androïdes, c'est à nouveau le cas ici, plus que jamais d'ailleurs, puisque le thème central de Covenant réside finalement dans l'évolution d'une intelligence artificielle, qui en vient elle-même à se poser des questions existentielles et à aspirer aux mêmes choses que l'être humain: s'affranchir de l'asservissement, user de son pouvoir de création mais aussi de destruction et de domination.
La place des androïdes devient ainsi prépondérante et marque un tournant dans la saga, ouvrant des perspectives et apportant des éléments de compréhension pour les épisodes suivants, qui ne plairont pas à tout le monde, mais qui tiennent néanmoins la route.


En revanche, on peut s'étonner que les ingénieurs, autrefois appelaient space jockey, sont quasi ignorés dans cet épisode, alors que l'on s'attendait au contraire, à en apprendre davantage sur eux. Surtout parce que Prometheus soulevait de nombreuses questions à leur propos, mais aussi parce que leur lien avec les xénomorphes a toujours été une question latente de la mythologie.


Alien: Covenant est un film qui devrait plaire aux "non-fans", qui se contenteront d'un film de SF horrifique honnête.
Mais pour son premier "vrai" Alien depuis 1979, on attendait de Scott qu'il parvienne à s'élever à la hauteur du culte de la franchise. En voulant donner une explication aux interrogations que les fans se posent depuis bientôt 40 ans, il était évident que le réalisateur prenait un risque considérable. Et si la trame scénaristique qui se dessine, et qui permettra dans quelques années d'aboutir à Alien premier du nom, n'est pas inintéressante, on ne peut que rester septique devant cet épisode, qui manque profondément d'impact émotionnel et qui propose un scénario bancal et confus, laissant parfois l'impression que Scott ne sait lui même pas vraiment où il va.
Bien sûr, comme souvent avec ce réalisateur, plusieurs niveaux de lecture sont possible, ce qui nous empêchera de critiquer la profondeur de l'oeuvre.
Dans ces conditions néanmoins, la majorité des die hard fans de la franchise en viendront sûrement à regretter les zones d'ombre et les mystères qui entouraient les xénomorphes. Autrefois monstres terrifiants, énigmatiques, diaboliquement rusés et servant leur "cause", devenus maintenant des créatures sans âmes et uniquement guidées par leur soif infinie de violence et de sang.
On laissera le bénéfice du doute à ce Covenant, qui prendra peut-être tout son sens quand il s'inscrira au sein d'une série élargie de films, d'ores et déjà annoncée par Ridley Scott.
En attendant, force est de constater qu'on est bien loin du niveau de la quadrilogie initiale.

billyjoe
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le 11 mai 2017

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