Le Fabuleux Destin d'Ellen Ripley

Malgré le semi échec d'Alien 3, tant critique qu'au box-office, sa production cauchemardesque et le "point final" qu'il a scénaristiquement apporté à la saga, il s'est quand même trouvé quelques producteurs masochistes à la Fox pour remettre le couvert.

Quand il y en a plus, il y en a encore.

Ainsi ont été appelés Joss Whedon au scénario et le français Jean Pierre Jeunet à la réalisation pour réaliser cette quadrature du cercle.

Côté Whedon, le contrat est globalement rempli. Certes, la ficelle scénaristique pour ramener Ripley à la vie est grossière (le super clonage qui te rend ta mémoire, ton parasite, limite ton PEL). Même tout jeunot, à mon premier visionnage, je n'y avais pas crû. Mais Ripley-8 est un personnage éminemment réussi, fascinant d'ambivalence. Ses relations en miroir avec la Reine Alien (qui reçoit un peu d'humanité comme Ripley a reçu de la bestialité) et surtout Call (l'humaine qui se détache de l'humanité vs le robot qui cherche à s'en approcher) sont très intéressantes. Idem pour l'équipage du Betty, qui fonctionne plutôt bien, (et bien mieux que les détenus interchangeables de Fiorina 161), et qui sert de manière évidente de galop d'essai pour sa série culte Firefly (2002).

Malheureusement, côté Jeunet, ça coince pour moi. Notre frenchy n'a pas été engagé pour sa patte artistique très marquée ni pour sa vision de la franchise, mais juste dans l'espoir d'être plus docile que Fincher. Et Jeunet, de son côté, se fout pas mal de cette franchise, et cherche juste à se faire un kiff hollywoodien. Et je trouve que ça se ressent. Ce mariage sans amour n'est pas franchement heureux. Sa direction d'acteur outrancière (tout le monde surjoue, sauf Weaver et Ryder) ainsi que ses plans "déformés" à coup de courte focale donnent au film une atmosphère grand-guignolesque caractéristique de Jeunet mais en décalage complet avec l'esprit horrifique de la saga. L'alien ne fait plus peur, et l'hybride tas de morve à la fin du film encore moins. N'est pas Giger qui veut.
Cette incompatibilité de style est d'autant plus dommage qu'il ne manquait peut-être pas grand chose pour que cela fonctionne. Quelques scènes sont très réussies, comme ce moment poignant où Ripley-8 découvre les tentatives 1 à 7, ou cette poursuite aquatique qui confère aux aliens une grâce inédite... Même si à côté on tombe dans le cliché des gars qui peuvent nager 1km en apnée, oklm.

Bref, cet Alien 4 me laisse définitivement dubitatif. C'est un projet difficilement justifiable et maladroitement justifié dans son scénario, qui malgré cela regorge de bonnes idées. C'est aussi, et surtout, le paradoxe Jeunet : un auteur engagé comme yes-man, qui arrive à apposer son style au détriment de l'esprit de la franchise. Pour moi, une erreur de casting.