En ce triste jour d'hiver Grenoblois, c'est avec une joie non dissimulée que je me rendais chez des amis avec dans l'idée de s'enfermer dans une pièce noire armés de boissons, de nourriture et d'un martinet.
Non, je n'ai pas de pratiques bizarres, le martinet servant uniquement à faire taire ceux qui oseraient profaner les films que nous allions voir; je parle bien sûr de la série Alien.
(Cependant, on peut s'interroger sur la présence du martinet chez les-dits amis, mais cela est une autre histoire).

Dans mes souvenirs, Alien, c'était un premier opus absolument mythique, une suite certes moins bonne mais carrément badass, avec un troisième épisode chiant à mourir et plein des bêbêtes délicieusement monstrueuses. Mais ces souvenirs commençaient à dater, et un nouveau visionnage de la série s'imposait.

Au milieu des blagues de mauvais gouts et des binouzes, nous éteignons donc la lumière et regardons, sur un vieux lecteur DVD branché par péritel à un vieil écran cathodique (on est vintage ou on ne l'est pas), le film démarrer. C'est donc parti pour ALIEN, le huitième passager.

Et là, difficile de revoir mon premier avis sur ce film. Tout, du début à la fin, est absolument mythique, parfaitement agencé.
Même l'apparition du titre du film, segment de lettre par segment de lettre, avec une lenteur insupportable, est merveilleuse. On nous balance direct dans l'ambiance: c'est dans l'espace, c'est lent, et cette lenteur traine avec elle une tension terrible.
On embarque ensuite à bord du Nostromo. Le film date, pourtant l'utilisation des maquettes pour les vaisseaux le rend presque insensible au temps. La caméra traine un instant dans le vaisseau, le temps qu'il faut pour lui donner un air labyrinthique. Et là, je trépigne déjà d'allégresse : les décors sont merveilleux. Bon sang, ce que j'aime ces vieux décors de SF, tout plein de câbles et de boutons lumineux qui clignotent sans raison, ces parois de métal sale et ces grilles dans tous les sens, ce côté fait à la main...
Vient ensuite le réveil des sept passagers (plus le chat).
C'est lent. C'est beau. Cette lenteur nous plonge directement dans le film. On se réveille avec l'équipage du vaisseau, lentement, en essayant de comprendre ce qu'on fout là.

Voilà. Rien que le début est génial.
Je m'aperçois que je ne pourrais faire une critique réelle de ce film sans m'attarder sur chaque scène. Parce que tout dans le film est merveilleusement pensé, que ce soit les décors, l'alien en lui-même qui a indéniablement marqué la culture geek, les acteurs qui n'ont pas de réactions trop clichés, les clichés justement que l'on évite habilement, Ripley qui est définitivement l'héroïne badass par excellence... J'ai beau essayer d'être le plus critique possible, je ne vois rien à jeter dans ce film.
Ridley Scott, aussi critiquable soit-il, nous a ici livré un œuvre immense, mystérieuse (qui sont ces aliens ? Ce vaisseau que l'on trouve sur la planète ?) au rythme lent, accentuant la tension, un huit-clos qui réussit le challenge d'être une véritable torture pour les claustrophobes alors qu'il se déroule dans l'espace.
Et je passe sur l'esthétique géniale du robot, sur la construction en quatre acte (on pense en avoir fini, l'alien a été détruit, tout va bien... mais... alors... pourquoi le film continue ? Et bam, l'alien est définitivement indestructible, il est encore là. Et il sera encore là dans trois autres films, d'ailleurs).

Un dernier truc qui fait d'Alien un film génial, c'est qu'on sent derrière d'infinies possibilités. On a une entreprise qui semble avoir tous les pouvoirs, des cyborgs qui sont parfaitement similaires aux êtres humains, des aliens dans un vaisseau écrasé qu'on sait pas ce qu'il fout là, etc, etc. Il y a tout un univers crédible qui ne demande qu'à être développé, mais on ne s'attarde ici qu'à la survie de l'équipage, accentuant encore ce sentiment de claustrophobie (possibilités scénaristiques immenses réduites à un seul point: la survie, de la même façon que l'espace où se déroule l'action est réduit de l'espace à des conduits d'aération dans un vaisseau), et donnant une aura de mystère qui laisse le spectateur rêver encore de ce futur peu enviable, plutôt inquiétant bien qu'on en sache au final rien. On ressort donc difficilement de cette séance, à la fois frustré de n'avoir plus de réponse et heureux d'avoir l'occasion de se les imaginer seul.

C'était sans compter la course au pognon et les suites qui viendront saccager cette œuvre.

Et maintenant, le détail qui vous fera voir le film différemment : durant la scène où l'alien massacre sa première victime, le chat est témoin de toute la scène. Gros plan sur ses yeux. Un pote choisi cet instant pour nous livrer les pensées du félin:
"Meoww...Tout se déroule comme prévu".
Où est le martinet?

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le 2 févr. 2014

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wildsevens

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