Ripley rencontre la Mère Supérieure.
Aaaah, Aliens.
Inégal, délicieux, horrible. Aliens est, selon moi, une suite logique au premier opus de la quadrilogie virtuose. D’une qualité artistique sûre, le film reste pourtant la quintessence d’une suite résolument commerciale, le « genre » blockbuster d’une époque révolue, celle où grosse prod’ et cinéma d’auteur semblaient compatibles. Cette œuvre majeure de Cameron propose un condensé des attentes du public quant à la suite à donner à « l’Alien » de Ridley Scott. En plus de l’horreur et de la science-fiction, on a droit au genre rédhibitoire du « film d’action » et de tous ses ingrédients : du rythme et des scènes d’actions spectaculaires à la Rambo.
« Suite logique » pour plusieurs raisons. Il n’y avait qu’une seule Alien dans le premier, et ben on en fout des centaines dans le deuxième, encore plus belliqueuses. Efficace. Les personnages du Nostromo attaquaient la bébête quasiment à mains nues, avec un lance-flamme artisanal ou un cocktail-Molotov à 2 balles. A ce dépouillement d’armes à feu, Cameron répond qu’il y’aura Michael Biehn qui enfoncera un gros shotgun bien viril tel un sexe en érection dans la gueule béante d’une Alien affamée. La cristallisation harmonieuse de tous ces éléments pourtant bien distincts entre eux repose sur un scénario digne d’une expression écrite de collégien : « Hop ! On retourne là d’où elle vient la bestiole de l’espace, et on envoie plein de soldat pour la tuer (…) ». Un scénario simple servant de prétexte à une mise en scène irréprochable, des scènes cultes, des personnages inoubliables gravés dans la pellicule. Cameron réitèrera la formule gagnante en 1991.
Quelle efficacité dans sa réalisation… le clou du film reste l’intrusion des bâtiments des colons par le groupe de Marines. Sous une pluie aveuglante, dans un paysage noir et post-apocalyptique, le groupe de militaires avançant méthodiquement dans les ruines d’un champ de bataille procure une adrénaline inouïe. Une impression de « dure » réalité s’évapore de ces plans qui subliment un autre temps, futuriste, désolé, hostile à la race humaine. La tension est transmise par les images, muettes, le point de vue des caméras subjectives des soldats nous enfonce dans une ambiance claustrophobique, d’un suspense insoutenable, ou sourd la moindre menace de vie ou d’agitation. On frôle l’arrêt cardiaque à chaque fois. Une petite fille surgit et c’est la panique. Cameron utilise intelligemment l’ellipse d’un récit tragique que l’on connaît pourtant tous. Les colons en ont pris plein la gueule par les Aliens, c’est évident, sauf que l’on n’a rien vu. Et quand est-ce que vont enfin surgir ces foutues bestioles qui les ont tous exterminés? L’attente, rendue insupportable par les lents déplacements du groupe atteint son paroxysme lors de la découverte de corps – œufs. Et ce qui suit …c’est une bonne omelette.
Le film vaut pour la brochette de marines, de beaux parleurs qui se chambrent, avec Jenette Goldstein en fille peroxydée, vrai teigne, musclée jusqu’au sourcil avec cet air de « viens pas me faire chier et j’te ferai pas chier » ; Lance Henriksen dans le rôle de sa vie en « Bishop », Biehn en gentil caporal respecté de ses potes, Bill Paxton en gros lourdingue, et Paul Reiser inénarrable en cadre - touriste de la compagnie. D’ailleurs, le doublage français de son personnage est à se pisser dessus : « Fallait agir, Corman ! » ; Weaver tient le film sur ses épaules comme elle veut, on sent bien qu’elle a investi le projet Aliens jusqu’au bout des doigts. A juste titre, cette prestation lui vaudra une nomination à l’oscar du meilleur rôle féminin. Bill Paxton joue le dur-à-cuire qui a tout vu, qui déconne facile, mais en réalité ce n’est qu’un froussard, un couard qui gueule à qui mieux mieux dès qu’une mouche le pique. Scène culte et extra …ce couteau qui fonce dangereusement entre les doigts de Paxton et de Bishop est une séquence à ne pas louper. On s’en délecte à chaque vision.
Autre élément de la « suite logique », n’importe quel spectateur censé fantasmait de savoir quelle étrange « Truc » forcément immonde pouvait bien pondre ces « œufs - éjaculateurs - attrapeurs de nigauds ». L’arrivé de Ripley au « Nid d’aigle », faisant la rencontre de la mère supérieure, majestueuse, à la fois laide et esthétique, équivaut presque à un tête-à-tête entre un juif et Hitler, un conciliabule obsédant entre une délicieuse mère protectrice et une « mama » fasciste destructrice de l’espace. A cette vision matriarcale extrémiste Cameron oppose la Mignonne petite fille (Carrie Henn), future amante d’un Killer Joe, qui trouve en caporal - Biehn et maman - Weaver des parents de circonstance. Cameron filme cette famille factice, (re)composée et y voit la famille idéale qui nous réchauffe un peu le cœur dans cette ambiance froide comme la mort.
Un grand classique du 7ème art.