Le tournage et le retour critique de Aliens : Le Retour sont sans doute à la mesure de la furia illustrée par son réalisateur. L'intransigeance, voire la tyrannie du bonhomme, n'était déjà plus à démontrer, faisant légion les heurts sur le plateau, avec les renvois sans préavis du directeur de la photographie Dick Bush, ou encore de James Remar. Quant à l'équipe technique, un peu trop accro au tea time, elle considère tout simplement James Cameron et sa productrice Gale Anne Hurd comme des arrivistes sans le moindre talent.
La relation amour / haine entre le réalisateur et son compositeur James Horner, elle, est passée à la postérité.
L'enfantement s'est donc déroulé dans la douleur, comme les premiers retours critiques assassins élevant Aliens : Le Retour comme l'ultime degré de trahison de l'opus original. Mais soutenir une telle position, surtout aujourd'hui quand on ne cesse de dénigrer certains dans l'utilisation ad nauseam d'une formule, serait nier la capacité étonnante de James Cameron à s'emparer d'un univers pour le plier à sa propre vision, à ses propres aspirations, et ce sans pour autant le dénaturer.
Il s'en trouvera pour dire, je n'en doute pas, que Aliens : Le Retour constitue la préfiguration de la dégénérescence de la série B dans ce qu'elle a de plus bourrin, inepte et primitif. Oubliant au passage un peu trop vite que Jim, tout comme Ridley Scott, ne leur en déplaise, retient au maximum son action et l'apparition du monstre désormais bien connu pendant plus d'une heure de métrage. A ma grande surprise.
Pour brosser le portrait d'une escouade de space marines au machisme et à l'arrogance exacerbés, dont cependant nombre de leurs effectifs se montrent immédiatement attachants et ultra charismatiques, tant dans leur côté grande gueule que dans leurs faiblesses et leur sacrifice.
Pour bâtir, minute après minute, une sacrée montée en tension, substituant la visite solitaire d'un derelict organique à celle d'une base coloniale aux allures de sinistre vaisseau fantôme. La menace est familière au public. Cameron en joue avec une évidence complice. Mais cependant, rien ne prépare, dans Aliens : Le Retour, à la violence, à la sauvagerie, et à la brutalité du premier assaut des xénomorphes, vu à travers le prisme de caméras portées aux images brouillées, fugaces et parcellaires. Tandis que le son clair des affrontements, des hurlements et des cris d'agonie comblent les blancs, dans l'esprit du spectateur, d'un incroyable maelstrom d'horreur, de violence et de souffrance.
Séquence prolongée par un tétanisant ride haletant en blindé, mené tambour battant dans une urgence viscérale à s'éloigner d'un enfer d'un autre monde insensible à la démonstration de force de chiens de guerre surarmés.
La mise en scène d'une telle déroute ne peut qu'appuyer la peur ressentie devant une multitude aux contours indéfinis et à une omniprésence rendue terrifiante, non pas par l'illustration du nombre à l'écran, mais par un éclairage hors du commun et le pouvoir de suggestion des pulsations entêtantes et les tâches lumineuses d'un détecteur de mouvements qui devient comme fou.
Une peur qui atteint son paroxysme dans les images d'un triple climax totalement incroyable, surpassant la double péripétie imposée en son temps par Sir Ridley. Où l'horreur de la vision de milliers d'oeufs et d'un monstre aux allures de reine des termites se confond avec les flammes d'une apocalypse de cauchemar et de l'urgence de l'auto-destruction d'une colonie aux allures d'une raffinerie filmée comme une cathédrale de métal et de coursives.
Une peur qui rebondit avec la poursuite d'une mère enfin libérée de ses chaînes, sublime monstre terminal à la naissance et à la fin d'un cycle. Gigantesque, démesurée, illustrée dans toute sa splendeur morbide, sa monstruosité mortelle et sa rage. Face au sublime portrait, aux motivations, philosophie et névroses renouvelées par l'écriture de Cameron, d'une autre mère privée de sa fille, trouvant une deuxième chance dans la protection d'une petite orpheline. Dont chaque apparition se mêle d'intimité désarmante, de tendresse, de mélancolie et de désespoir.
Rivalisant dans leur puissance d'évocation avec l'action totale d'un dernier choc des titans, trouvant sa source dans son film matrice, achevant de propulser le spectacle offert par Aliens : Le Retour vers des proportions jamais vues et indépassables dans son intensité et sa construction.
Et surtout vers les sommets de la science fiction moderne.
James Cameron, lui, s'inscrivait déjà parmi les plus grands.
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