Alita, brouillages mécaniques

La voici enfin, l'adaptation qu'on attendait sans l'attendre. Qui aurait imaginé un réalisateur assez gonflé pour s'y frotter ? Franchement, je n'y songeais pas, et Dieu sait si je suis un fan de Gunnm, notamment de la première série (parue en 9 tomes à l'époque), un des tous premiers mangas que j'ai tenus dans mes mains. A signaler au curieux, le film s'inspire également de l'OAV des années 90, assez moyenne mais qui retranscrit plus fidèlement l'ambiance du manga originel.

Comme toute adaptation, le film fait des choix. Ici, Cameron et Rodriguez ont condensé les deux premiers tomes en un seul long métrage -tout en présentant le motorball, qui n'apparaît que dans le 3ème tome. Un pari toujours risqué au regard de la horde de fans en embuscade. Autant dire tout net que pour une fois, les choix opérés permettant d'aboutir à résultat cohérent, qui ne condense pas à l'excès, satisfasse les fans et trouve une public plus large me paraissent dans l'ensemble INTELLIGENTS et satisfaisants. Voilà donc la preuve que quand on maîtrise l'art de la narration, qu'on fait les choses consciencieusement et avec un brin de bon sens, on peut fournir une adaptation qui tienne la route. Comme contre-exemple, je citerais les 1000 planètes, de Besson, d'après la série des Valérian : une joli visuel mais peu de contenu.

On aura beau critiquer sans fin le film de Rodriguez, ce qui y manque, ce qui dénaturerait l'esprit du manga, il n'en reste pas moins qu'il m'a fait revivre les émotions et temps forts du manga. D'accord, la décharge, Kuzutetsu, devient une Iron city bien plus propre, genre de bidonville aux couleurs chamarrées le jour, aux contours enfin plus sombres et violents la nuit (dans une atmosphère cette fois bien plus proche du manga), d'accord, il manque l'ultragore, on ressent peu le désespoir des habitants de la décharge, et, oui, les vols de colonnes vertébrales sont montrés de façon bien plus soft. Sans compter un Nova sans grand panache, rien ici du délire ni la folie furieuse du savant fou du manga, il se contente de fugaces et mesurées apparitions -qui cependant rythment l'intrigue. Malgré tout, quel plaisir de voir à l'écran les scènes de combats les plus démentielles de Gunnm retranscrites avec fidélité ET lisibilité (peu de ralentis, mais bien utilisés; le reste du temps, on suit parfaitement les mouvements des combattants) ! Et quel plaisir non moins grand de retrouver [Attention spoiler :] la scène où Makaku (Grewshka dans le film) met en pièces le premier corps d'Alita, après quoi cette dernière, en appui, sur un seul bras, se propulse dans les airs et fond sur son adversaire dans une attaque en vrille qui perfore l'oeil de son opposant, la lame d'acier de Damas, le maître chien, le psychopathe Zapan, Vector...
Au final, on a donc une adaptation "grand public" et certes assez lisse, touche "avataresque" (Cameron ne réalist pas mais n'est pas très loin) oblige, quand on la compare à l'oeuvre originale mais qui n'a rien d'une insulte ou d'une balafre, et qui de ne dessert pas l'oeuvre originale, du moins au yeux d'un public qui la connaîtrait pas. Peut-être serez-vous rebuté par quelques longueurs si vous n'avez pas lu le manga, ou bien peut-être vous demanderez-vous par moment où l'intrigue veut en venir. Mais dans l'ensemble, ne boudons pas notre plaisir. D'autant qu'une suite est prévue.