Nombreuses sont les mauvaises langues crachant qu'Hollywood ne vend plus que des produits sans saveur et toujours basés sur la même recette (car vous le savez sans doute, ces gens sont incapable d'appréhender un film autrement que comme un tacos) et les mêmes licences. Un film comme Alita: Battle Angel démonte aisément cette malhonnêteté intellectuelle. Lisez plutôt ceci.
Gunnm est un manga cyberpunk de Yukito Kishiro dont le premier volume est sorti en 1990. On y suit Gally, cyborg à l'apparence de poupée réparée par le docteur Ido (qu'elle découvrira plus tard être un chasseur de prime), qui cherche à retrouver la mémoire dans un univers post-apocalyptique où la plupart des hommes sont cybernétisés et où les problèmes se règlent sans trop se soucier des droits de l'homme. Le principe est simple: mettre une jeune fille apparemment innocente et naïve dans un monde crasseux, et voir cette Barbie cybernétique, à force d'être confronté à ce milieu désespéré, se remémorer des souvenirs passés devenir temporairement une machine à tuer terrifiante.
Après avoir lu ce résumé, quelle est la première idée qui vous viendrait à l'esprit si vous aviez la charge d'en faire une adaptation cinématographique ? Un film pour enfants ? Certes, quelques thèmes, comme la difficulté à trouver sa place dans le monde, pourraient rendre la chose possible, mais hors de question de montrer à Nicolas, 8 ans, un chien se faire étriper par un cyborg fou condamné à gober des cerveaux pour survivre. Non, ce serait un exercice bien trop compliqué qui risquerait de trahir le travail dont il est tiré. Et bien, si telle est votre réponse, sachez que votre manque d'ambition ferait rire la Century Fox. Car la nécropole du rêve américain n'a pas peur de prendre des risques. Mieux, elle s'en nourrit.
Pour faire de Gunnm un film pour enfants, rien de plus simple. Zalem est trop grise, ses habitants trop effrayants. Plutôt que de voir des amalgames de chair et de métal parcourir les rues en évitant les flaques de sang et de vomi, transformez-les en touristes venus sur Paris acheter du chocolat au stand du chocolatier, à côté du vendeur de kebabs. Et mettez-leur des jeans troués, et parfois un bras cybernétique, ça fait plus cool. Pas les yeux, pas les jambes, et qu'on ne voit pas leurs muscles, faudrait pas faire peur aux gamins. Et qu'ils aient l'air de bien s'amuser aussi, qu'ils n'aient pas l'air de craindre de se faire étriper par un détraqué dans un coin de rue. Pour rendre Zalem plus agréable, mettez des éclairages partout, avec le plus de couleurs chaudes possible. Que tout ceci ressemble à Disneyland.
Grewishka, le premier antagoniste, mange des cerveaux ? Oubliez ça, faites-le ressembler à La Chose des 4 Fantastiques. Le motorball est trop violent ? Faites-en un jeu vidéo mal réalisé où des cyborgs se mettent en pièce. Mais pas une goutte de sang, attention. Ou plutôt, mettez du sang vert aux cyborgs. Et pour les fans insupportables du manga et de son OAV, oubliez pas la scène de la valise avec les organes de Chiren à l'intérieur. Ils aimeront sûrement.
Quelques autres éléments et ça y est, vous avez votre film pour enfant. Réussir un tel exploit et se voir reprocher un manque d’ambition fantasmé, difficile de faire preuve de plus de mauvaise foi.
Blague à part, on ne peut pas reprocher à Alita: Battle Angel d'être un film pour enfants. Faire de la violence pour de la violence n'a aucun intérêt (ce qui n'est pas le cas de l'oeuvre originale, hein). Mais les quelques thèmes propres à l'enfance, comme l'émancipation de l'autorité des adultes, sont traités avec maladresse, pressés par les contraintes scénaristiques. Peut-être aurait-il fallu se concentrer sur une idée, et l'exploiter pleinement, plutôt que de chercher à remplir le cahier des charges. Et pour se concentrer sur une idée, il aurait déjà fallu envisager Gunnm autrement que comme un moyen d'élargir son marché cinématographique aux weebs, qui se détournent de plus en plus de la production cinématographique américaine au profit des anime et mangas japonais qui, sans que ce soit commun à tous, proposent de véritables récits formateurs. Alita ne peut pas être mauvais puisqu'il remplit parfaitement ses objectifs: offrir un divertissement pauvre mais bien réalisé à un public qui obtient exactement ce qu'il souhaite. C'est simplement un nouveau produit mis en vente. Une nouvelle commande de Happy Meal passée au Drive. Ce qui n'est pas très grave, mais pas très intéressant non plus.