J.C. Chandor n’est pas tout jeune mais All Is Lost n’est pourtant que son second film. Pour autant, on ne peut pas dire que le bonhomme ait attendu pour montrer l’étendu de son talent puisque c’est lui qui avait signé Margin Call, un thriller financier palpitant avec une belle brochette de stars dont Maitre Kevin Spacey ou Zachary Quinto qu’on aperçoit au générique de All Is Lost comme producteur exécutif. Chandor a également participé au Festival Sundance qui met en avant les nouveaux réalisateurs, ce qui n’est finalement pas un hasard car son fondateur n’est autre que Robert Redford himself.
Un vieux loup de mer dont on ignore même le nom voyage en solitaire à travers l’océan indien. Un beau jour, il s’aperçoit en se réveillant qu’un container à la dérive a ouvert une brèche dans la coque de son voilier. A partir de cette première galère, le marin se retrouve absolument seul, sans moyen de communication. Lorsque une tempête s’annonce, il sent que son instinct de survie sera mis à rude épreuve.
Polanski racontait récemment que plus le cadre spatial d’un film était réduit, plus ils se sentait inspiré. Une mode qui fait des émules depuis 127 Heures puisqu’on ne compte plus le nombre de huis-clos qui sortent sur nos écrans. Rien que ces derniers mois, on a déjà eu Gravity, Capitaine Phillips et dans une moindre mesure Le Transperceneige. On notera que tous ces films ont en commun l’idée de proposer quelque chose de réaliste, de ne pas faire de chichi. L’industrie du cinéma vit en plus la crise de plein fouet, elle encourage désormais ce genre de projets peu couteux (9M$ !) mais où le risque de se planter reste grand pour le réalisateur.
Plus que jamais, on touche ici les fondements du jeu d’acteur car aucun dialogue ne rythme le film. Tout doit être visuel, il faut créer une empathie universelle. Le choix du seul acteur au casting n’est pas anodin car il fallait une gueule, quelqu’un ayant de la présence et de l’expérience. Redford donne cette crédibilité. L’icône est maintenant âgée, les cheveux teints et les rides marquées: il a tout du marin qui a parcouru les mers du monde durant de longues années. Sa performance est tout à fait louable, une proximité se crée rapidement.
Malgré toutes les bonnes intentions, All Is Lost ne peut éviter les limites du genre. Pour garder le spectateur en haleine, les éléments perturbateurs sont nombreux et beaucoup trop exagérés. On veut bien croire que le sort s’acharne mais au bout d’un moment c’est de trop. Il faudrait vraiment que Dieu ait une dent contre lui. Les quelquefois où notre marin tombe à l’eau en pleine tempête frisent le n’importe quoi, tout comme les retournements de son voilier dignes d’une attraction Disneyland. Le fait de ne rien connaitre du personnage finit par desservir car lorsqu’on ne croit plus aux twists, il faudrait pouvoir au moins se rattacher à notre unique acteur.
Là où le thriller aurait dû devenir psychologique, il ne se passe rien de plus qu’avant. Dommage que le réalisateur ait décidé de nous révéler comment cela allait se terminer dès sa première scène, le suspense en prend un coup. Dès lors, le titre suffit à lui même.
Reste une fin relativement ouverte qui donnera à chacun sa vision de la chose. Pas de quoi s’exciter cependant, on reste dubitatif, sans pour autant être réellement déçu.
Que doit on tirer de All Is Lost ? L’Homme est il un connard sans cœur soumis au vil système capitaliste ? Dieu aime t-il faire souffrir les autres ? Faut il aller en pleine mer avec un voilier de jet-setteur ? Doit on avertir sa famille avant de se barrer ? Faut il installer un traceur sur son bateau avant de quitter le large ? Autant de questions existentielles qui rendent le film croquant à l’extérieur mais creux à l’intérieur… Et personne n’aime les Kinder Surprise sans la surprise dedans.