Comme d'habitude, la réputation de "film extrême" est souvent très nuisible au statut d'un long-métrage. Il suffit de voir l'affiche présente sur Senscritique, grotesque et absolument pas représentative de All Night Long, pour se rendre compte qu'on a vendu le film à un public auquel il n'était pas forcément destiné.


Mais du coup, qu'est-ce donc ? Difficile de répondre. Une chronique sur la jeunesse japonaise désœuvrée des années 90 ? Une étude fictionnelle sur la naissance d'un meurtrier juvénile ? Un Rape and Revenge qui déjoue ses propres codes ? Un peu tout ça à la fois...
En nous décrivant le portrait de 3 jeunes venant de différents milieux sociaux témoins d'un meurtre, Matsumara s'attaque à la société japonaise dans son ensemble.


La vision qu'il en donne est assez frappante sur papier : l'individu japonais est noyé dans une masse, chacun agissant comme une marionnette au gré des circonstances (le personnage du manipulateur est celui qui divulgue le mieux l'idéologie du film). Derrière ses atours de "film choc" qui n'hésite pas à verser dans la violence sanguinolente (et pas toujours pour servir son propos !), le film a un côté très "étude sociologique" : finalement, ce qui nous est conté n'est ni plus ni moins la naissance d'un meurtrier juvénile au sein de la société japonaise.


Et là où le film est finalement assez fort, c'est que le meurtrier est le personnage que l'on soupçonne le moins : le nerd un peu archétypal, qui n'oserait même pas faire de mal à une mouche. Le sous-texte est clair, souligné par le superbe plan final où le personnage se fond dans la masse : nous sommes tous des meurtriers en puissance, portés par les circonstances.


Sur papier donc, tout ça est intéressant. Le problème est que le film est loin d'être parfait : direction d'acteur approximative, simplisme des traits de certains personnages, allégories un peu lourde (l'avion...), choix de mise en scène parfois incompréhensibles (les scènes d'amour clipesques sur fond de musique folk...?) ou lourds (les flashbacks), scène de la purge finale qui traîne beaucoup trop en longueur, photographie qui ne semble pas trouver une unité esthétique (pourquoi cette stylisation soudaine à la fin avec ce ton bleuté omniprésent ?) etc...


Le film est donc plein de contradictions. Mais quand même, une vision aussi radicale de la société japonaise ne peut qu'être saluée, surtout qu'elle s'accompagne d'une vraie intelligence dans le propos. A noter que le film est devenu une franchise populaire au Japon, chose étrange étant donné que ce premier volet se suffit amplement à lui-même... L'argent appelle l'argent, comme la violence engendre la violence.


PS : si le cinéma japonais vous intéresse, n'hésitez pas à venir piocher dans ma liste : https://www.senscritique.com/liste/Les_oublies_du_cinema_japonais/1704611

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le 20 sept. 2017

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