La chute d'immeuble la plus naze de l'histoire ?

J'ai l'impression que c'est le genre de film qui se bonifie dans l'esprit avec le temps et qui tend à laisser un assez bon souvenir (alors qu'à voir sur le coup, c'était plutôt chiant).

La représentation réaliste, déjà c'est pas forcément mon truc, il y a pourtant dans ce film pas mal d'éléments intéressants :

- D'abord quelque chose de fascinant et d'unique dans cette photographie d'une Allemagne dévastée où les immeubles ne sont plus que des façades aplaties et en ruines;

- Aussi quelque chose de très malsain chez l'un des personnages du film, l'ex-enseignant, nostalgique d'Hitler, aux manières quasi-pédophiles.

Alors c'est plutôt glauque, plutôt très noir, on suit là une famille et ses déboires, sa lutte pour la survie dans un univers misérable, égoïste et sans pitié.

Le père malade/mourant, fardeau pour les autres membres de la famille, et qu'il faudrait peut-être assassiner à la façon des inuits laissant mourir leurs vieux sur la banquise dès qu'ils ne sont plus utiles à la collectivité.

Les filles qui vraisemblablement se prostituent.

Le fils aîné, obligé de rester planqué, car ex- SS pendant la guerre.

L'essentiel du poids des responsabilités familiales finit par reposer sur les épaules bien trop frêles d'un tout jeune petit garçon qui pourrait ne plus pouvoir le supporter.

Mais la représentation réaliste ici, est plutôt réussie, dans le sens où elle n'épaissit pas trop le trait, le film n'est pas lourd, ni gonflant, ni étouffant, il n'en rajoute pas artificiellement dans la noirceur, il s'offre même quelques respirations, quelques moments d'humour (mais pas non plus au point de se taper le cul par terre).

Et puis il y a cette fin, je ne sais plus combien de temps elle dure, au moins 15 minutes, ou l'on sait que le petit garçon va craquer et se sacrifier. On suit ses errances dans la ville morte, il joue à la marelle, balance des cailloux, essaye de tâter du ballon de foot, et puis finit par sauter du haut d'un immeuble en s'étalant lamentablement au sol dans l'un des chutes les plus mal réalisées du cinéma, dans ce qui aurait normalement dû être le final en "apothéose" du film.

Plusieurs soucis :

1- Quinze minutes sur un enfant qui déambule dans un film qui ne dure qu'1h10, c'est quand même foutrement chiant, même si ça permet à la tension de grandir inexorablement.

2- Tension à mon sens complètement désamorcée par cette chute totalement risible et réalisée avec les pieds. (Souci déjà constaté récemment dans un autre bon film, "Le point de non-retour" de Boorman, avec une incrustation ignoble).
Voici l'extrait, ça se passe vers 5:15 :
http://www.youtube.com/watch?v=4jWi3JymbSI

J'ai essayé de comprendre ce qui n'allait pas en repassant cette séquence mythique image par image : sur le plan d'ensemble où on le voit "s'écraser" au sol, l'enfant est en réalité dans un premier temps debout, pieds au sol, puis se projette en avant vers le sol et finit donc allongé.

Pour donner l'illusion qu'il tombe, ils ont supprimé les images entre la position debout et allongée, ce qui au bout du compte donne un résultat grotesque.

Bon... Faut-il être indulgent sous prétexte que le film serait vieux ?

On est en 48, pas en 1902, je veux dire, ils auraient pas pu tout bêtement balancer un mannequin, s'ils tenaient tant que ça à montrer l'impact du corps au sol ?
Voilà le genre de trucs à la con qui me gâchent complètement la crédibilité d'un film, d'autant plus lorsque celui-ci se pose comme réaliste.
Mais bon, j'exagère vraisemblablement un détail qui n'a pas tant d'importance que ça...

Il ne faut pas perdre de vue que c'est avant tout un film courageux pour son époque, car compassionnel pour le peuple allemand et ses souffrances, qui a perdu toute foi, et qu'il ne faut plus considérer comme un ennemi, mais au contraire le soutenir. Rossellini invite à tirer un trait définitif sur les atrocités de la guerre, et ce film clôt la trilogie qui a fondé le néoréalisme (avec "Rome, ville ouverte" et "Paisa") et qui a eu un impact gigantesque sur le cinéma moderne. Mais je sais pas, moi, j'arrive pas à m'enflammer pour autant.
KingRabbit

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