"Dieu a créé les nuages pour se cacher quand il a honte"

Des immigrés réduits à voler des fleurs sur le point d'être jetées car les fleurs c'est périssable, pour leur redonner une nouvelle jeunesse.
C'est sur des images d'empoignades et d'insultes musclées que s'ouvre le film, nous introduisant peu après dans le quotidien d'un jeune couple de Péruviens qui vendent des roses à la sauvette dans un quartier populaire de Madrid.

Nelson marche à la débrouille, hâbleur et bien dans sa peau malgré un cruel manque d'argent, Marcela à l'opposé, brune placide en apparence, parle et se livre peu, regard triste souvent perdu dans le vague, inquiète de cette vie qu'elle sent grandir en elle, comme une faute qui lui incomberait à elle seule et que son compagnon très terre à terre, tout à son gagne-pain frauduleux ne soupçonne même pas.
Une aubaine : s'occuper d'un vieil homme en fin de vie, l'argent permettra de se payer le réfrigérateur tant convoité préservant la seconde jeunesse des roses.

Deux êtres aussi dissemblables que possible vont donc se côtoyer et s'apprivoiser: un vieillard impotent mais philosophe, les yeux mi-clos, observe de son lit une jeune femme simple et appliquée aux gestes lents et impassibles, détecte en elle l'enfant qu'elle s'efforce de dissimuler, ému de sentir sous ses doigts la vie d'un jeune être, symbole de cette chaîne humaine que rythment les naissances et les morts, lui qui ne peut retenir sa vie.

C'est tout un pan de l'existence que découvre alors Marcela qui après la mort du vieil homme comprend que c'est à elle et à elle-seule de faire le puzzle de sa vie pour se construire, que comme le lui disait Amador toutes les pièces nous sont données à la naissance, à nous ensuite de bien les assembler.

Une oeuvre parsemée d'humour noir et de symboles portée par l'excellence d'une jeune actrice déjà vue dans Fausta, qui par ses regards, ses silences voire son mutisme se révèle d'une expressivité absolument sidérante.
Un film qui prend son temps à l'image de l'héroïne, une belle leçon de vie qui nous montre à quel point l'existence est précieuse et ne doit pas être gaspillée.
Aurea
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Pas des beautés classiques mais elles plaisent ! et Et l'été fut...

Créée

le 9 avr. 2012

Critique lue 570 fois

22 j'aime

16 commentaires

Aurea

Écrit par

Critique lue 570 fois

22
16

D'autres avis sur Amador

Amador
Hyunkel
7

Le ciel, les oiseaux et la mère

Connu pour son cinéma à forte tendance sociale, Fernando León de Aranoa livre ici une œuvre simple mais poignante, portée par une jeune actrice au talent éblouissant. Amador, c'est ce vieil homme...

le 13 déc. 2011

3 j'aime

3

Amador
PatrickBraganti
6

Critique de Amador par Patrick Braganti

Sixième long-métrage de l'espagnol Fernando León de Aranoa, Amador est en fait le prénom d'un vieil homme dont Marcela, le personnage central et l'héroïne, accepte de s'occuper pour subvenir aux...

le 29 mars 2012

1 j'aime

1

Amador
Assurément
7

Critique de Amador par Assurément

(...) Ainsi passe-t-on d'un film manquant un peu d'originalité qui raconte une rencontre transformant les deux participants, à une histoire d'un tout autre genre, posant un insoutenable dilemme moral...

le 12 mars 2012

1 j'aime

Du même critique

Rashōmon
Aurea
8

Qu'est-ce que la vérité ?

L’Homme est incapable d’être honnête avec lui-même. Il est incapable de parler honnêtement de lui-même sans embellir le tableau." Vérité et réalité s'affrontent dans une oeuvre tout en clair...

le 30 oct. 2012

419 j'aime

145

Call Me by Your Name
Aurea
10

Parce que c'était lui...

Dans l'éclat de l'aurore lisse, De quels feux tu m'as enflammé, O mon printemps, mon bien-aimé, Avec mille et mille délices! Je sens affluer à mon cœur Cette sensation suprême de ton éternelle...

le 23 févr. 2018

369 j'aime

278

Virgin Suicides
Aurea
9

Le grand mal-être

J'avais beaucoup aimé Marie-Antoinette de Sofia Coppola, j'ai regardé sur Arte, Virgin Suicides, son premier film qui date de 1999, véritable réussite s'il en est. De superbes images pour illustrer...

le 30 sept. 2011

357 j'aime

112