D'abord, il faut préciser que j’ai eu la chance de voir le nouveau film de Mikhaël Hers de la meilleure façon possible, c’est à dire en sachant le minimum de l'intrigue. Je pense que c'est ainsi que l'on peut le mieux l'apprécier. Après Ce sentiment de l'été en 2016 que j'ai maintenant bien envie de voir ,Mikhaël Hers nous propose de suivre le quotidien de Vincent Lacoste qui jongle avec nonchalance entre deux jobs alimentaires ( la gestion d’appartements pour touristes et l’élagage des arbres de Paris). Il va aussi chercher sa nièce Amanda à la sortie de l’école, pour aider sa sœur, prof d’anglais au lycée et jeune mère célibataire. C’est le début de l’été et la saison des pique-niques. Sa soeur et une voisine avec qui il commence à flirter sont parties au bois de Vincennes. Quand Vincent Lacoste les ­rejoint d’un coup de vélo, sa vie et le film basculent. Ce cinéaste assume un mélodrame assez dur sur la délicate gestion du chagrin sans trop de mélancolie. La scène, tant redoutée, d’annonce de la mort de la mère à sa fille sur le banc d’un square, est bouleversante de simplicité. Avec ce film, Mikhaël Hers rend aussi un hommage discret aux victimes de la tuerie du ­Bataclan et à la jeunesse parisienne décimée en 2015. Le vrai sujet demeure quand même la paternité accidentelle. Orphelin de père et brouillé avec une mère qui a aban­donné le foyer sans donner signe de vie, Vincent Lacoste, éternel adolescent, s'avère très convaincant dans ce rôle dramatique. Son personnage se retrouve du jour au lendemain à devoir gérer son propre deuil et la vie d’une enfant de sept ans. On va les voir arpenter tout le long l’Est parisien, de la place Voltaire au Parc Floral en passant par les quais de Seine. Cette succession de scènes de la vie quotidienne est importante dans le déroulement dramatique du film. Et ,quelle bouleversante scène, à la fin, pendant cette excursion londonienne au stade de Wimbledon où cette magnifique petite fille va comprendre d'un coup le sens de l’expression "Elvis has left the building" que lui avait expliqué sa mère quelques semaines plus tôt. Le film observe tout le long le fait d'essayer de devenir père avec Amanda mais surtout le fait d'arriver à devenir adulte avec aussi la petite amie du héros. Mikhaël Hers pointe sa caméra sur les survivants à un drame et s'intéresse à la possibilité du deuil et à cette reconquête de la vie. L'essentiel de son propos est réservé à une violence plus intime , celle qui touche à ceux qui restent et qui doivent vivre avec l'absence. La première partie du film, qui se passe avant la survenue du drame, nous montre des personnages qui ont déjà essayé de surmonter un deuil ou compenser l'absence d'un membre de la famille. Ils arrivent déjà à vivre au présent et pensent à leur avenir. Mikhaël Hers arrive à filmer cette réappropriation de l'espace urbain par toutes ces personnes et retrace avec finesse le chemin pris par ces personnages qui essayent de se retrouver dans leur existence. Il met en scène aussi l'indicible en nous laissant entendre le bruissement apaisant du vent dans les branches par exemple. Il parvient à exprimer avec une certaine poésie cette vie qui s'anime et qui reprend ses droits. Voilà donc un drame bouleversant qui ne tombe jamais dans l'exagération des sentiments ni dans le spectaculaire . Mikhaël Hers parvient à capter la violence de notre époque en empruntant un chemin assez intimiste. Vincent Lacoste nous livre une grande performance. Sa légèreté laisse pour une fois plutôt bien la place à une profonde gravité. L'immersion dans l'est parisien ensoleillé accentue cette sensation de temps suspendu après ce terrible incident. La dernière image du film à Wimbledon sur ce visage d'Amanda, magnifique, baigné de larmes et de rires est bouleversante. Les acteurs jouent très bien. Mikhaël Hers se concentre sur le récit de l'intime et des sentiments en évitant de montrer toutes les démarches administratives ou médico-légales nécessaires par exemple. Ce film porte un regard juste, dans l’air du temps. Et puis, un film qui nous fait partager le bonheur de déguster un Paris-Brest de la boulangerie et d'écouter "Don't be cruel" ­d’Elvis Presley ne peut être qu'un bon film.

pasteque68
9
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le 1 avr. 2019

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pasteque68

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