La beauté cachée des laids se voit sans délai

Cela commence comme "Boulevard du crépuscule" - c'est le mort qui raconte l'histoire. Cela ressemble aussi à du Robert Altman de la meilleure veine, un jeu de massacre avec l'Amérique pour cible; la beauté américaine, avec ses maisons alignées, ses majorettes, son couple homosexuel à peine caricatural, ses vies de famille épouvantables où même les apparences finissent par s'effondrer, les mensonges à tous les étages, quelques stéréotypes définitifs et cruels. Et puis il y a le regard du héros - la conscience de son néant, jusqu'à la complaisance, la dépression sous les yeux cruels des siens, la démission et la résurrection. C'est bien une affaire de regard : il suffit de bien observer la merde dans laquelle on vit, de scruter pour y dénicher la beauté du titre. C'est aussi ce que fait le fils des voisins, quasi autiste, avec sa caméra. Il filme les sommets de l'horreur, de la laideur pour en découvrir la beauté. American Beauty est aussi (d'abord ?) un film sur le cinéma et sur le pouvoir du regard.
Quand le héros meurt (magnifique Kevin Spacey), de la façon la plus aléatoire (tout le monde pourrait avoir une bonne raison de le tuer) mais pas la moins surprenante, il a trouvé la sérénité.
L'image est splendide (toujours le paradoxe du titre et du message) et toute l'interprétation magistrale - Kevin Spacey, tout en nuances mais aussi les jeunes sans pitié mais pas sans espoir, exaspérants et lucides (Thora Birch,Mena Suvari, Wes Bentley), les vieux, pathétiques et somme toute humains (Annette Bening, Peter Gallagher) et enfin Chris Cooper, énorme révélation, dont l'ultime contradiction traduit parfaitement toute la géniale ambigüité du film.
Chef d'oeuvre.
pphf

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