Splendide portrait de notre belle Amérique !

Je suis extrêmement surpris. Pensant que j'avais à faire à un énième film critiquant les petites familles bourgeoises étasuniennes de manière niaise et bien convenue, un peu comme cette série Malcom (un succès dont je ne comprendrai jamais, tellement c'est naze), en réalité il n'en est rien.


Dès l'introduction Kevin Spacey nous dit clairement que ce que l'on s'apprête à voir c'est la toute dernière année de sa vie. Ainsi à l'image du petite amie de Jane, le spectateur se positionne en tant que voyeuriste.


American Beauty se joue de nous, il nous prend à contre pied plusieurs fois. La beauté américaine n'a rien à voir avec cette jeune demoiselle sortie tout droit des cieux, tel un ange nommé Angela et dont Spacey aimerait se la faire. Non. Ironiquement, la beauté américaine c'est justement s'émanciper de ce pays qu'est les Etat-Unis, s'extirper d'un pays où tout le monde est hypocrite, où tout le monde est superficiel et lobotomisé, où sa femme couche avec un enfoiré mieux placé financièrement et hiérarchiquement, où sa fille est incapable de comprendre la souffrance de son père qui s'abruti chaque jour dans son travail aliénant.


Kevin Spacey en a marre !


Alors, dans une société qui fonctionne que par le fric et le succès, Spacey décide de faire de même.



14 ans que je fais la pute pour vous



sauf que désormais c'est ton patron qui va se prostituer ! Pour s'en sortir dans une telle société, il faut aller contre courant tout en étant radical. Maintenant, c'est moi le patron, et toi t'as intérêt de me verser un salaire pendant un an. Escroquerie ? Mais je vais me faire un plaisir de dénoncer au juge toutes tes petites affaires de viol avec tes secrétaires mon gars !


American Beauty c'est la libéralisation d'un homme coincé dans un monde infernal.


Nous savons qu'il va mourir, la question que nous nous posons c'est : comment ? Et c'est là que le film nous manipule.
Dès le début nous croyons que ce sera le petit ami de Jane, puis c'est le père raciste et homophobe, et puis c'est peut-être la femme de Spacey ! Mais finalement qu'est ce qu'on en a à foutre ? est-ce que c'est pour autant dramatique ? Non ! Spacey le dit clairement à la fin :



Et je ne peux plus rien éprouver d’autre que de la gratitude pour chaque instant de mon insignifiante petite vie.



Insignifiant comme ce sac en plastique volant, dansant et embrassant ce vent violent, dansant au-dessus du chaos, tu es peut-être ce sac en plastique Spacey mais au moins tu es libre.


N'aviez vous pas rigolé de toutes ces situations cocasses auxquelles Spacey faisait face ? N'aviez vous pas ri lorsque Spacey fantasmant, bouche à moitié ouverte, de la danse et beauté angélique d'Angela ? N'aviez vous pas ri de Spacey posant son oreille contre la porte de sa fille pour savoir tout ce qu'Angela dit à son propos ? N'aviez vous pas ri lorsqu'il s'est mis à courir et faire de la musculation pour se sculpter un corps de rêve dans le but de séduire Angela ? N'aviez pas ri de tous ces moments où il envoie chier tout le monde ? N'aviez vous pas ri lorsque le père, homophobe, pensait que son fils faisait une fellation à Spacey ?


Moi j'ai rigolé et plus d'une fois.


Nos vies sont insignifiantes aux yeux de l'univers. C'est d'ailleurs une chose dont Angela n'a toujours pas comprise, elle veut tellement sortir de la masse, devenir un mannequin inoubliable, qu'elle en arrive à croire que le fantasme des hommes lui permet de défier le temps, alors que ces hommes ne la voient simplement comme un objet sexuel.
On peut d'ailleurs y voir une sorte de rédemption, alors que Spacey s'apprêtait enfin à baiser Angela, il décide d'y renoncer lorsqu'elle lui apprend qu'elle est encore vierge. Comprenant que c'est complètement immoral et que c'est l'équivalent d'un viol, Il abandonne ses pulsions sexuelles pour préserver la pureté de cet ange.


Je disais donc que, bien que tout soit insignifiant, ce n'est pas une raison pour ne pas apprécier tous ces petits instants, et pour Spacey, ces petits instants de cette dernière année, où il a passé son temps à cracher sur le Rêve Américain, lui ont étaient libérateur.


Spacey est mort, certes, mais il est mort libre ...


PS : il serait intéressant de parler du cas de Ricky qui sous cette fausse allure de psychopathe cache en réalité tout une philosophie de vie à travers ce qu'il filme, on pourrait même y voir Mendes à travers ce personnage. Peut-être que la scène du sac en plastique était une obsession pour le réalisateur.
J'ai aussi oublié d'évoquer les musiques du métrage complètement magnifiques et cultissimes qui savent marquer l'instant présent.

Ivan-T-K-M
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le 6 juin 2020

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