Le sujet semble inépuisable : alors que Martin Scorsese, Brian De Palma ou Francis Ford Coppola ont déjà produit maints chefs d’œuvres sur le thème de la pègre américaine, il y aura toujours de nouveaux gangsters aux parcours assez incroyables pour un film. Avec 'American Gangster', Ridley Scott ambitionne de réaliser une fresque cinématographique sur le modèle de ses aînés, mais l’œuvre ne dépasse pas l'exercice scolaire.
Le récit reprend la structure narrative des classiques du genre avec les destins parallèles d'un malfrat et d'un enquêteur qui seront amené à se croiser. On suit d'un côté les étapes de la construction d'un empire de la drogue, de l'autre la création d'une division policière anti-drogue. Si le sujet est toujours passionnant, on regrette que le réalisateur n'apporte aucun enthousiasme à une narration qui survole les détails. Alors que le film raconte de manière très plan-plan comment Frank Lucas a contacté les producteurs d’héroïnes vietnamiens, le scénario élude la progression du gangster pour assoir sa domination sur Harlem. De même, le policier Richie Roberts passe plus de temps avec son ex-femme dans un sous-intrigue de divorce dispensable, qu'avec le gangster avec qui il se liera d'amitié, retournement de situation extraordinaire qui n'est annoncé lamentablement qu'avant le générique. On se demande même si le détective Trupo (Josh Brolin) n'aurait pas interprété un personnage principal plus pertinent.
En revanche, 'American Gangster' tranche avec les films de mafias italiennes sur deux points fondamentaux : d'une part, Frank Lucas est noir et la mentalité de son organisation (le cassage des prix, l'utilisation d'une marque) est totalement différente des grandes familles siciliennes. D'autre part, ne s'agissant plus de traffic de cocaÏne, mais d'héroÏne, les Etats-Unis de l'après Viet-Nam dévoile un visage rongé de l'intérieur. En ce sens, l’œuvre est très intéressante, malgré son scénario un brin pompier
La réalisation est à l'image du récit : tous les plans sont d'un formalisme académique, la bande-originale est anecdotique, le casting est correct mais sans éclats. Denzel Washington est en effet plutôt charismatique (on regrette simplement ses "My man" crispés aux sous-entendus scénaristiques assez lourd), alors que Russel Crowe souffre un d'un rôle un peu ingrat. Seul la séquence de l'assassinat du personnage d'Idris Elba est vraiment marquante.