L'amer risque : si c'est un rêve, je le sauverai

James DeMonaco avait un grand projet dans la vie. La trilogie d’American Nightmare, dont voici le premier volet. Une saga d’horreur subversive et anticonformiste qui resterait dans les mémoire du genre(1). Disons que l’entreprise réussit dans une certaine mesure. Car si, concrètement, American Nightmare n’est pas un film complètement raté, il est simplement assez mal calibré.



  • American Nightmare n’est pas un film d’horreur. Tout au plus, il est parfois assez anxiogène et fait planer du suspense, mais jamais, même pour un spectateur un brin trouillard, il n’est à même d’effrayer. Ce film est donc à reléguer au rang du thriller pur et simple, et ne confine au mieux qu’au home invasion. On a donc un but loupé pour DeMonaco.

  • American Nightmare repose sur un concept assez mal exploité. Si visiblement notre ami James DeMonaco aime tancer la barbarie des hautes classes sociales, on ne se contente finalement que d’un cadre maigre et de motifs relativement plats, et d’un flagrant manque de complexité dans le traitement. La critique est simple et finalement très pauvre, ce qu’1h30 de film ne devrait pourtant pas forcément empêcher ; ce n’est même pas une histoire de quantité (enfin si un peu), mais de répétition, de platitude de ce dont on doit se contenter.

  • American Nightmare peine dans sa critique sociale. Et c’est d’autant plus con que c’était là quasiment tout l’intérêt du film. Si l’on va au-delà des personnages par trop manichéens – en-dehors du père, s’entend, c’est d’ailleurs le seul intérêt du personnage –, la surreprésentation des riches fait contrepoint à la présence d’un seul pauvre, et l’idée n’est pas mauvaise, car elle met en valeur la suprématie des riches sur les plus démunis dans ce système de jeux de massacre. La lâcheté des favorisés, qui chassent en bande comme des hyènes surarmées, face au pauvre désarmé et livré à soi-même autant qu’aux autres riches plus passifs à l’égard de la Purge. DeMonaco sert cela (comme tout le reste) avec une mise en scène atone, ordinaire, convenue. Il se donne ainsi l’air d’un réalisateur sans personnalité, incapable de se démarquer de maîtres à penser et de professeurs de cinéma de niveau 1ère année d’étude.


Le film souffre de plus, hélas, d’un défaut qui le poursuivra dans les trois épisodes : la loi des Nouveaux Pères Fondateurs. Ce défaut touchant le point central du métrage, l’effet en est d’autant plus sérieux. On a vraiment du mal à croire que la simple instauration d’une nuit de Purge soit à même de régler l’éternel problème de la criminalité. A croire que James DeMonaco considère la folie, la psychopathie ou les pulsions meurtrières comme des actes contrôlables, faisant fi de toute théorie psychanalytique ou pathologique du problème. Comme si, pour le réalisateur, la justice et la loi étaient seuls corollaires de l’ordre. Ce qui, du point de vue médical comme philosophique, est bien évidemment faux.


Une saga potentiellement ratée, mais pas morte dans l’œuf pour autant…


PS : on a d'ailleurs là un très rare exemple de film dont le titre français est bien meilleur que son titre en original. En VO : The Purge... Meh. Juste un résumé de ce autour de quoi tourne l'intrigue. En VF : American Nightmare... renversement du célèbre American dream pour correspondre à la nouvelle forme que prend cette entreprise, établissement du rapport thématico-spatial et temporel, etc. Bref, excellent à l'analyse. C'est rare.


(1) Je n’ai aucune preuve de ce que je dis là mais c’est une théorie que, bien que bullshit, j’aime bien avancer pour à peu près tout.

Aldorus
4
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le 5 mars 2017

Critique lue 212 fois

Aldorus

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