Tu fais chier Clint (je me permets quelques familiarités, hein, ça fait tellement longtemps nous deux...)! Tu fais chier car tu es fidèle à toi même! Tu es Américain (pas de bol), conservateur (quoi?! Ça existe des cinéastes ou acteurs de droite?!) n'aimant pas trop Barrack et, cerise sur le gâteau, tu es patriote! Et ça, c'est très sale! Tu es dur à cerner toi, et tu n'aides pas tes spectateurs en refusant de les prendre par la main et de leur montrer le chemin à suivre! Tu n'es pas Oliver Stone ou Mickael Moore (tu n'es pas véritablement un cinéaste engagé)! La seule chose qui t'intéresse quand tu fais un film, c'est qu'il te satisfasse toi (et donc tu n'a pas à te convaincre de tes propres idées)! Ensuite ton oeuvre fait sa petite vie tranquille et ne t'appartient plus! Aux spectateurs de se faire leur opinion! Démerdez vous avec ça!
Difficile dans ce cas de faire l'unanimité dans les milieux bien pensant! Difficile de savoir qui tu es vraiment! On peut juste dire que tu es un des derniers (le dernier?) représentant du classicisme hollywoodien, en digne héritier de John Ford! Pour le reste....

Pour le reste, ce n'est pas American Sniper qui va faire avancer le schmilblick! Avec ta 34ème oeuvre, les "anti" se verront conforter dans leurs certitudes (et tu seras traité au mieux de belliciste, au pire de sale facho) et tes admirateurs crieront au chef d'oeuvre pour la plupart (en te qualifiant de grand "humaniste") ! Et je soupçonne fortement que cela te fasse bien marrer tant tu aimes entretenir cette ambiguïté en te plaçant souvent au dessus de tout ça! Les avis, n'est-ce pas, c'est comme les trous du culs, tout le monde en a un! Bon, moi, tu sais de quel côté je me trouve! Mais je comprends parfaitement que l'on n'aime pas ce film! Je comprends mais à condition que cela soit argumenté et non juste le résultat d'un antiaméricanisme primaire ou la facilité d'un Eastwood bashing! Je comprends que l'on ne t'aime pas à condition qu'on ne réduise pas l'homme aux personnages qu'il joue ou met en scène (le personnage même si il en contient une part plus ou moins grande n'est pas le réalisateur, Harry Callahan n'est pas Clint Eastwood comme Travis Bickle n'est pas Martin Scorsese) et en fonction de deux trois films que l'on aurait vu! Car oui, pour juger un cinéaste, il faut un minimum connaître son oeuvre dans son ensemble! J'ai lu des choses très intéressantes dans la presse ou sur Senscritique, d'autres qui le sont beaucoup moins... Je pourrai me dire que ceux qui rejettent ce film ne sont que des ignares incapable de comprendre la subtilité de ton cinéma intelligent! Ce serait trop simple et faux! Car tu n'es pas non plus exempt de ce que moi je qualifie de "maladresse". Bref...

Tu fais ici ce que tu as toujours fais : tu nous racontes une histoire et non pas l'Histoire (d'ailleurs ça ne te réussi pas trop l'Histoire, "Invictus", "J.Edgar" ou encore "Mémoires de nos pères" si ils ne sont pas de mauvais films sont quand même loin d'être tes plus grandes réussites). Après nous avoir présenté Maggie, Christine, Francesca (pas mal pour un misogyne, non?), Red, Butch, Walt ou encore Jimmy, Dave et Sean, voilà le tour de Chris! On parle bien d'une histoire individuelle et c'est à travers tout ces portrait que tu déclares ton amour à ton pays, que tu assemble les pièces de ton puzzle. Et tu l' aimes ton pays! Ce qui ne veut pas dire que tu n'en vois aucun défaut! Profitons en d'ailleurs pour rappeler que tu n'as jamais été un partisan de l'intervention de l'oncle Sam en Irak! Précision pas inutile puisque visiblement ton film légitime cette intervention! Sous prétexte que tu t'es toujours refusé à mélanger politique et oeuvre cinématographique ou que du moins tu t'es toujours refusé à jouer les donneurs de leçon (tu te contentes juste de distiller quelques indices par ci par là), on t'accuse à tort! Qui ne dit mot consent! Il aurait donc fallu que telle une Miss tu nous dises clairement que "la guerre c'est mal, que tu es citoyen du monde et que la paix c'est mieux"! Alors là, oui, bravo!!!! Mais ce n'est pas toi! Tu le fais mais à ta manière, à travers un frère plus mort que vivant croisé sur le tarmac, à la lecture de la lettre lors de l'enterrement du compagnon d'arme ou encore dans la simple absurdité de voir deux pères de familles, l'un ancien champion olympique, l'autre as du rodéo, passer plus d'un an à se traquer comme de vulgaires bêtes! Et puis, il ne faut pas oublier qu'à l'instar de "Lettres à Iwo Jima" qui ne montrait que le point de vue des japonais, "American Sniper" se vit à travers Chris! Or Chris ne doute à aucun moment du bien fondé de l'invasion irakienne! Ce qui explique également ton peu d'intérêt pour la profondeur des personnages du camps ennemis! Tu nous montre l'ennemi de façon simpliste non pas par racisme mais pour deux autres raisons à mon avis! Premièrement, justement parce que l'ennemi est vu par Chris à travers sa lorgnette! Je n'ai pas une grande connaissance militaire (ma JAPD en poche, je pense raisonnablement pouvoir tenir 30 secondes sur un champs de bataille tout de même...) mais j'imagine que de par son poste un sniper doit avoir très peu de contact réel avec la population et que au fur et à mesure de ses actions, la vie humaine à tendance à se désacraliser! Une routine s'installe, une cible se présente, j'appuie sur la gâchette, la cible tombe sans un bruit , et hop, on passe à autre chose! Sniper devient un métier comme un autre et Chris envoie les bastos comme un fonctionnaire rempli ses grilles de sudoku. Rien de glorifiant donc! Deuxièmement, c'est une critique de ton pays que tu veux faire! Il n'est pas là pour juger les comportements des Irakiens, mais bel et bien celui du soldat Chris! C'est un film sur un sniper américain! Le titre ne ment pas! Mais je concède tout de même que rendre les Irakiens un peu plus réels et complexes n'aurait en rien diminuer la portée de ton film mon petit clint.

Chris justement! Un héros typiquement Eastwoodien! Car oui, tu as bien compris que rien n'est jamais tout blanc ou noir! Que ce soit à travers Walt (Gran Torino), William ("Impitoyable") ou maintenant Chris, tes personnages sont souvent en quête de rédemption. Chris pourrait être le William Munny jeune! Alors il paraît que tu la glorifies un peu trop cette "légende". Moi, j'y vois un américain tendance beauf, élevé à la dure de façon presque exagérée, un loser ne sachant trop quoi faire de la vie et qui soudain à travers cette image des deux tours s'effondrant se trouve un but: protéger et défendre son pays! Un raisonnement bien simpliste non? Moi je trouve surtout que ce parcours presque caricatural, c'est un peu plonger le nez des américains dans leur propre merde! Voilà ce que donne le pays des armes à feu et des informations pas très informantes! Voilà ce que donne le choc des images et le pouvoir des armes : des hommes se roulant dans la boue en se faisant insulter par un connard en treillis et aimant ça, des hommes prêts à s'humilier pour avoir l'opportunité de défendre leurs pays, des hommes que reviennent de là-bas soit les deux pieds devant, soit mutilés, soit détruit psychologiquement! Des hommes qui préfèrent l'amour de la guerre à l'amour de leur femme! Et voilà aussi ce que donne aussi une certaine religiosité: un homme qui se prends pour Dieu le Sauveur (merci papa)! Car oui, comme à ton habitude, tu t'attaques à la religion bien trop présente dans ton pays! Chris devient donc en quelque sorte un croisé étant incapable de douter un seul instant de son cher pays! Tu ne l'excuses pas, tu nous le rends juste humain, car si au bout du compte, cela reste lui qui prend ses propres décisions, il est quand même le produit de la société américaine! Tu ne l'excuses pas, tu constates! Il aurait été tellement plus simple et facile d'en faire un vrai monstre, d'en faire un homme sans coeur et sans peur, un vrai connard auquel personne ne peut s'attacher (ce qu'était peut être le vrai Chris, étant peu renseigné sur cet homme je ne peux l'affirmer, mais je pense être sûr que du vrai Chris, t'en à pas grand chose à carrer, et que c'est surtout le symbole qui t'a intéressé).
Mais simplicité rime rarement avec vérité! Moi j'ai passé mon temps le cul entre deux chaises en me demandant constamment ce qu'il fallait en penser de ce Chris. Et j'ai adoré! Et cette image de fin sublime ou Chris est fixé devant sa télé éteinte, le bruit des armes et des souffrances endurées raisonnant dans sa tête fatiguée laissant le spectateur dans un abîme de réflexion! Putain, Clint, merci pour ce chef d'oeuvre, c'est probablement ton meille..........

...........ah mais merde! Ça c'est la fin que j'ai fantasmé toute la soirée en rentrant du cinéma! La fin idéale quoi! Mais non, vieux salopard, il a fallu que tu rajoutes encore 20 minutes! Vingt minutes qui ont suffit à retirer une des deux chaises sur lequel mon derrière reposait! Du coup, je suis tombé et tu m'as fait mal au fondement! Merde Clint! Meeeeeeeeerde! J'ai passé 1h45 avec le grand, l'immense, l'incommensurable Clint et pour la dernière ligne droite je me retrouve avec le Clint en demi molle de ses dernières années! J'aurais du sentir le coup venir pourtant! Là aussi il y avait un indice! Lequel? Mais Clint, tu n'utilises jamais de ralenti d'habitude! Et là, tu nous sers la mort de Mustapha façon exploit sportif! Quelle laideur et quel non sens que ce ralenti qui là, pour le coup héroise fortement Chrys! Mais c'est pas là le problème! Tu craques un peu ton slip sur cette fin (ou ton caleçon, ou, vu ton âge avancé ta couche?). Mais pourquoi ta subtilité s'est faite la malle à ce point? On avait bien compris que la guerre l'avait quelque peu perturbé le Chris! C'était peut être pas la peine de lui donner l'envie de buter son chien en plein milieu des enfants! Et puis après Martine au bois, voici Chrys à l'hôpital! Le voilà en soutient des ses compagnons blessés! Quel bel homme dirait un certain Jack L.! Je trouve effectivement que l'équilibre n'est plus trop respecté, que Chrys devient un peu trop sympathique, ce qui en vient à fausser l'interprétation de ce générique de fin! Car c'est bien la première fois qu'un générique fait se rencontrer les deux neurones qui se trimbale dans mon cerveau! Je suis resté de longues minutes (voire des heures....) sans trop savoir quoi en penser! Ce qui paraît évident chez vous, outre atlantique, cet amour du drapeau dans un pays sans doute un peu trop patriotique, ne passe pas de la même manière dans un pays comme le mien, qui ne l'est sans doute pas assez, patriotique, lui! Chez moi, le drapeau national, c'est malheureusement une autre sorte de "Marine" qui se l'est approprié!
Donc je suis resté comme un con, doutant même de toi, en me disant comment tu avais pu oser faire une fin aussi gerbante. Et puis....et puis, si tout ceci n'était que cruelle ironie...Si c'était juste pour nous montrer quel genre de héros était capable d'aduler tes compatriotes, des compatriotes qui soi dit en passant n'en ont en majorité rien à foutre de la guerre au quotidien mais qui font belle preuve d'hypocrisie en venant se masser sur le trajet mortuaire du soldat Kyle!
Et puis finalement, si c'est bien les Etats-Unis D'Amérique qui ont fait "naître" Chris Kyle, ce sont les mêmes qui l'ont tuer! (car oui, ce n'est pas un irakien qui a eu sa peau, mais bel et bien un ancien Marine!)! L'Amérique tuant ses propres enfants?
Et si finalement, Clint, ta fin était une grande réussite?
Kowalski

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