Dans leur appartement parisien, Anne et Georges vivent leurs vieux jours, rythmés par la visite de leur fille et les concerts de piano de leurs anciens élèves. Après un accident cérébral, Anne est paralysée du côté droit et est mise en fauteuil. Après un second accident, elle perd l'usage de la parole et est alitée. Georges va s'occuper de sa femme et ainsi lui éviter une maison de retraite dans la volonté de lui offrir une fin de vie décente.


Ce film frappe dans son rapport aux mots. Un hommage certain aux acteurs Emmanuelle Riva, interprète sublime des mots de Marguerite Duras dans Hiroshima mon amour d'Alain Resnais (1959) et Jean-Louis Trintignant, à la diction très théâtrale, façonnée par les scènes de théâtre qu'il a enchantées. Les mots échangés entre ce vieux couple sont rares et banals ; ils sont les compagnons d'un silence complice, celui qui se forge au gré des décennies de douce cohabitation. Malheureusement, cette diction très pesée, très pesante, donne à certaines scènes un ton surjoué, presque faux.


Au cours du film, ce silence bienveillant devient délétère. C'est celui de la honte, quand Anne se voit mettre une couche et faire sa toilette par une aide soignante. C'est celui mercantile de ceux qui conditionnent leur aide aux billets généreusement dispensés par Georges. C'est la perte de l'envie d'écouter du Schubert. Pire, le silence est la perte incontrôlable et sourde de la parole, du logos, qui se manifeste par la répétition déchirante et automatique par Anne de "mal". La dépendance est montrée dans toute sa réalité. D'une part avec des moments de lumière, quand Anne joue avec les manettes de son fauteuil roulant, dans une danse ludique. D'autre part avec des moments sombres, un quotidien mortifiant décrit par Georges à leur fille, démunie face à cette situation.


Enfin, c'est l'amour entre ce vieux couple qui touche, tant il est fort et clairvoyant. Une clairvoyance savamment orchestrée pour rendre la chute belle et décente. Elle est indiquée dès la scène d'ouverture, où Anne flotte sur son lit, telle l'Ophélie du peintre Millais. D'ailleurs, la succession des plans détaillés des tableaux du couple, montrés en silence, est pleine de mystère. De même que la présence du pigeon, également représenté par un tableau du salon.

Nuwanda_dps
7
Écrit par

Créée

le 25 avr. 2021

Critique lue 67 fois

2 j'aime

Emilie Rosier

Écrit par

Critique lue 67 fois

2

D'autres avis sur Amour

Amour
Teklow13
8

Critique de Amour par Teklow13

Il y a l'amour qui nait, celui qui perdure, celui qui disparait, et puis il y a celui qui s'éteint, ou en tout cas qui s'évapore physiquement. Si certains cinéastes, Borzage, Hathaway, ont choisi de...

le 22 mai 2012

88 j'aime

11

Amour
guyness
6

Gérons tôt au logis

En fait, ça m'a frappé à peu près au milieu du film. Amour est un remake de l'exorciste. Vous savez, cette angoisse qui va crescendo à chaque appel venant de la chambre. A chaque incursion dans...

le 26 févr. 2013

66 j'aime

24

Amour
Grard-Rocher
9

Critique de Amour par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Anne et Georges forment depuis bien des années un couple soudé et très respectueux l'un vis à vis de l'autre. Ils habitent un très bel appartement parisien dans un quartier bourgeois. Leur vie de...

52 j'aime

34

Du même critique

Tralala
Nuwanda_dps
8

Tralala dans l'air

La scène d’ouverture donne le ton magique car enivrant de "Tralala" : la poussière d’un squat miteux près à être démoli qui devient poussière d’étoiles et source d’inspiration pour une prochaine...

le 13 sept. 2021

11 j'aime

1

Paterson
Nuwanda_dps
9

Paterson: une réconciliation

Paterson est l'homme, la ville, le film de la réconciliation. Réconciliation entre la pauvreté de la ligne de bus 23 et la richesse des dialogues de ses passagers. Entre la laideur du chien et la...

le 29 déc. 2016

11 j'aime

Sœurs d'armes
Nuwanda_dps
6

Une entreprise louable mais qui se prend à sa propre critique

Rares sont les films qui portent une perspective féministe sur la géopolitique. Car rares sont les occasions que nous offre la vie réelle de promouvoir cette démarche. En s'attachant au commando de...

le 30 août 2020

8 j'aime

1