Un tour chez Paul Thomas Anderson (pour Punch-drunk love) n'est pas suffisant pour prendre de la hauteur sur la fosse d'où on vient et où on brille. Amour et amnésie aka 50 first dates joue sur deux tableaux : il essaie de faire cohabiter la romcom mielleuse et conventionnelle avec le happening grivois. Dans la carrière d'Adam Sandler c'est donc un opus, peut-être pas 'ambitieux', mais cherchant à élargir le champ du discours ; de plus, un synopsis pittoresque est là pour sortir du lot commun.


En effet, Adam Sandler et Drew Barrymore nouent une relation des plus originales à cause du traumatisme de la seconde. Condamnée à se réveiller quotidiennement sans aucun souvenir de ce qui s'est produit depuis un accident il y a un an, Lucy (Barrymore) mène donc une idylle complexe avec Henry (Sandler). Pressé chaque jour de charmer à nouveau Lucy, le séducteur volage inapte à l'engagement trouve a-priori sa cible parfaite, mais l'amour va au contraire le pousser à s'accrocher sincèrement et dépasser le flirt. C'est Un jour sans fin dans le sens inverse.


Malgré toute sa malice et son initiative plutôt futée, Amour et amnésie ne mérite pas beaucoup d'égards. En raison de son manque d'imagination autant que de l'humour très beauf et régressif, c'est un produit extrêmement vulgaire. Le manque de recul ne concerne pas simplement le scénario mais des aspects aussi lourds que la cohérence de Sandler avec son personnage : s'il n'y a pas de mal à se faire du bien, présenter Sandler en tombeur quasi surnaturel est un genre d'audace plus aberrant que visionnaire. Quelques vannes cinglantes traînent, le fuck final d'une obèse hawaïenne, une nympho folklorique (passage de Missi Pyle), puis surtout du gras bedonnant, ennuyeux avant tout.


Par ailleurs l'intrigue piétine et les bases ancrées dans la bouffonnerie enterrent régulièrement toute éventualité d'épanouissement sérieux. Il y aura une mutation profonde vers le sentimental, mais sans l'achèvement ou la relative complexité de L'amour extra large par exemple. Ici les élans restent modestes et assujettis au gadget ; le rythme ne faiblit pas et des alternatives sont esquissées, mais aucune dynamique ne se dégage vraiment. De leur côté les gags se tassent, il y a très vite davantage de running gag que de nouveautés ; c'est de l'humour tombant, égayant avec tiédeur une romance balourde. Les acteurs sont bons, surtout Barrymore.


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le 21 juin 2015

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