Guerre pour le pouvoir, trahison, loyauté et affrontements qui en découlent, c’est en gros le cahier des charges respecté par cet An Eye for an Eye. On retrouve les éternelles mêmes scènes qui s’affichent dans la multitude de productions s’adonnant au genre. Tout y est, mais plus encore. Oui parce que si An Eye for an Eye se perd dans la masse de film du même acabit en cette fin des années 80, début 90 pour l’utilisation d’ingrédients connus, le film d’O Sing-Pui s’en dénote au détour de quelques scènes et de personnages qui font mouches.


Tout d’abord l’homme de main de Cheong qui est interprété par John Ching Tung qui livre, ici une prestation digne de ce nom. Son personnage est l’incarnation même de la loyauté. Qu’importe que son chef soit sans scrupule, il a un code d’honneur qu’il respecte à la lettre et ne recule devant rien pour aller au bout de sa mission. Il est un personnage intéressant, à la fois impassible (dans l’action) mais sachant faire preuve d’humanité (relation avec son subordonné). On parvient à être touché par lui, bien qu’il se range du côté des « méchants ». Il fait partie de ces personnages au destin prédestiné, celui du sacrifice. D’ailleurs, son personnage livrera l’une des grosses séquences du film, celle d’une attaque en masse où ses hommes de mains tentent d’éliminer un caïd qui est protégé par ses gardes du corps. L’attaque débute dans un établissement avant de finir en pleine rue. Il s’en dégage une ambiance chaotique hallucinante où la découpe à la machette va bon train entre accident de voiture et bouche d’incendie explosée laissant échapper des trombes d’eau. Explosif.


Ci-dessus, nous parlions de « chef sans scrupule ». Le vrai dégueulasse d’An Eye for an Eye, parce qu’il en faut un est endossé par Jimmy Lung Fong. Il est l’archétype même du salaud de service sans aucune limite. Il trahit son boss, violente, fait chanter et viol sans aucune once de compassion. Il tue aussi et est donc prêt à tout pour atteindre son but. Un personnage exécrable qui donne ce que l’on attend de lui et plus encore. Rarement un personnage aura incarné l’ignoble à l’état pur et à ce point. On pourrait chercher dans les quelques interprétations over-the-top de Shum Wai, Tommy Wong Kwong-Leung ou encore Shing Fui-On pour le comparatif. Les scènes marquantes dans lesquelles il incarne toute sa cruauté sont des scènes qu’il partage avec Wong Fung-Yee, interprétée par Joey Wong. Il la fait chanter avec une vidéo qu’il a lui-même tourné. Je vous laisse découvrir la chose. Il la bat à coup de ceinture ainsi que tout plein de « lugubres joyeuseries » que je tairais pour ne pas trop en dire. Aaah… ce lit aux draps tâchés de sang, mieux que la tête de cheval !


Joey Wong. Pauvre Joey. Qu’a-t-elle fait pour mériter une telle adversité ? Mauvais karma sans doute. Un ami disait dans l’une de ses chroniques sur Missing Man (1989) qu’une nouvelle fois, elle en prenait « plein la gueule, la chose étant assez monnaie courante dans les films de ses débuts.» : A Hearty Response (1986), Law or Justice ? (1988) et ici même dans An Eye for an Eye. Son père est incarcéré par son petit-ami. Elle est malmenée par Cheong qui lui fait du chantage en la molestant quotidiennement. Elle s’enferme dans une prison qui la condamne à vivre un enfer permanent. La scène de la vidéo restera comme LA scène. Certes, elle est courte et on ne voit pas grand-chose mais c’est véritablement le non-dit(-montré) qui fait froid dans le dos, le off que le spectateur imagine. Encore plus lorsqu’elle découvre que ladite vidéo est visionnée par tout un tas de monde. Restera pour elle la vengeance de fin de métrage. La vengeance en elle-même ne suscite pas tant d’intérêt, mais c’est réellement dans l’incarnation de son personnage que la chose le devient. Les meubles de la maison recouverts de draps noirs. Elle, vêtue d’une robe de chambre rouge, les cheveux détachés et au vent (en intérieur ?!) tout en étant armée d’une batte de base-ball. Sa représentation fait bizarrement penser à ces films de fantômes, plus encore en la voyant s’avancer comme si elle flottait. On croirait voir en elle, un esprit venu se venger de tous ce qu’elle a subi. Intriguant.


Si l’on parle de Joey Wong, nous sommes obligés de faire un point sur la triangulaire qu’elle représente avec les personnages des deux policiers : Tat et Ching. Il n’y a pas grand-chose à écrire de ces derniers. Le personnage de Wilson Lam est fade et sans intérêt. La romance qu’il partage avec elle ne provoque pas de sentiment particulier. Il faut dire qu’il est en retrait et donc effacé. Quant à celui de Max Mok, il se révèle réellement dans l’acte désespéré qu’il réalise pour venger la femme qu’il aime en secret. Avant cet acte, il est touchant de le voir se sacrifier pour son collègue et ami, comme il y a un intérêt à suivre les scènes plus intimistes qu’il partage avec Wong Fung-Yee. Mais c’est vraiment lorsqu’il dépasse sa condition de flic pour jouer les despérados que la dimension humaine s’envole. La scène de gunfight dans le night-club est brute de décoffrage. Armé de deux revolvers, il défouraille dans tous les sens jusqu’à l’affrontement dans le parking. Une grosse séquence qui donne à voir et qui se révèle comme l’un des moments marquants mais aussi importants du film.


Personnage mineur d’An Eye for an Eye, celui de Ricky Yi Fan-Wai, l’un des deux bras droit du boss trahit. Autant ménagé le suspens, il est victime de cette révolution menée par Cheong au sein de la Triade. Si son personnage est inexistant, au point d’avoir une ou deux répliques à placer, il marque de son empreinte pour la scène de son assassinat. L’une des autres scènes notables du long-métrage. Il faut le voir se prendre des coups de couteau, le croire mort et revenir d’outre-tombe pour tenter de donner la pareille à son agresseur. Le film prend alors des teintes horrifiques. Ricky Yi blême, la bave ensanglantée et les yeux exorbités est poussé pour un dernier sursaut de vie qui enthousiasme. Tel une comète dont le passage est éphémère, il brille.


Pour le reste, An Eye for an Eye se montre comme un film d’action honnête. Intrigue linéaire, certes mais avec des scènes assurant le spectacle. Une mise en scène correcte. Des prestations qui répondent présentes. Le film n’est pas un œuvre majeure mais elle se défend convenablement.


(voir peloche et + : https://hongkongmovievideoclub.wordpress.com/2013/05/24/an-eye-for-an-eye-1990-o-sing-pui-avis-review/)

IllitchD
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le 3 juil. 2013

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