Angel
5.8
Angel

Film de Robert Vincent O'Neill (1984)

Angel est un petit thriller oublié des années 80 dont l'accroche publicitaire provoquerait aujourd'hui à coup sûr une hystérie vindicative de divers association visant à interdire au plus vite l'objet du scandale. En même temps c'est vrai que vendre un film sur le slogan "Bonne élève le jour - Bonne P... la nuit" ce n'est pas d'une grande finesse et d'une infinie délicatesse. C'est pourtant avec le pitch un poil moins provocateur de High school honor student by day, Hollywood hooker by night que le film de Robert Vincent O'Neil trouvera producteurs et distributeurs dans le monde entier lors du marché du film à Cannes en 1983 . Le film rencontrera ensuite une beau petit succès aux USA (bien moins en France) et fera les beaux jours des vidéoclubs, suffisamment en tout cas pour générer deux suites.


Angel raconte l'histoire de Molly une jeune étudiante de quinze ans qui la nuit se prostitue parmi la faune de Hollywood boulevard. Plus encore que ce monde nocturne, la jeune fille qui se fait appeler Angel, se retrouve confrontée à la menace d'un tuer psychopathe qui s'en prend aux prostituées.


Avec un sujet aussi délicat et sulfureux traité sur le registre du film d'exploitation et du psycho killer on pouvait légitimement craindre le pire du film de Robert Vincent O'Neil. Finalement le film est plutôt sage et l'aspect le plus putassier et racoleur du long métrage restera le slogan publicitaire collé sur son affiche. Alors que le cocktail semblait particulièrement explosif et malaisant, Angel va se révéler contre toute attente être un film bien plus sensible et attachant que son pitch racoleur. Sans occulter les aspects polémiques de son sujet et même si l'actrice Donna Wilkes qui interprète cette jeune fille de quinze ans en a 23 au moment du tournage, jamais le film de Robert Vincent O'Neill ne se complait ni même ne montre des séquences de sexe ou de nudité mettant en scène la prétendue adolescente. Même si le film joue sur le double visage et la double identité de ce personnage qui est à la fois une jeune oie blanche prude et sage le jour mais une séductrice sexy et provocante la nuit, jamais le film ne donnera l'occasion à un spectateur tordu de se délecter d'un "spectacle" équivoque et condamnable. On pourra toujours noter une relative hypocrisie du film qui tout en préservant quelques barrières morales très respectables concernant son personnage principale nous livre aussi (cinéma d'exploitation oblige) de nombreuses scènes de nudité collective sous les douches avec des personnages qui en théorie ont plus ou moins le même âge que l'héroïne du film. En tout cas même si le sujet se prête à la polémique et aux débats j'oserai dire que son traitement est fort heureusement assez chaste et presque délicat.


Sans être une étude de mœurs et encore moins un documentaire sociologique, Angel est aussi le reflet de son époque et un film qui aborde le sujet malheureusement toujours d'actualité de la prostitution adolescente et étudiante. Dans les années 80 il n'était pas rare de trouver sur Hollywood Boulevard des gamines parfois très jeunes se prostituant dans une relative indifférence générale. Après fallait il vraiment traiter ce sujet sous la forme d'un divertissement commercial ? Cela reste un vrai débat. En tout cas Angel de Robert Vincent O'Neil soigne vraiment l'écriture de ses personnages et nous offre à la fois le portrait attachant de cette jeune fille pas tout à fait femme et surtout de l'univers nocturne interlope de Hollywood Boulevard. Certes il est difficile de croire que Donna Wilkes a encore quinze ans malgré ses couette , sa jupette et ses chaussettes blanches mais la comédienne vus dans Jaws 2 est franchement convaincante dans le rôle de Molly "Angel" Stewart. Provocatrice à l'innocente bouille souriante et juvénile en façade la comédienne se fait parfois plus profonde et émouvante comme lorsque un policier la replace en face de ce qu'elle est en train de faire de sa jeunesse et de sa vie. L'actrice est même capable le temps d'une scène de se muer en une petite fille perdue dans ses illusions de retour d'un père absent depuis trop longtemps mettant soudainement en lumière toute la détresse psychologique du personnage. Le film montre alors combien Molly Stewart reste en quête de repères et d'affection alors que de jour comme de nuit, de manière subit ou presque consentante elle reste surtout aux yeux des autres un objet de convoitise sexuel. Ce n'est donc pas étonnant de voir le personnage ne cesser de se rechercher une famille qu'elle trouvera peut être au cœur du chaos. Une chose est certaine c'est que la performance de Donna Wilkes est un des atouts majeur du film.


Angel est un film qui est également riche des ses personnages secondaires et la description de la faune nocturne du Hollywood Boulevard des années 80. Angel croisera aux hasards des rues de Los Angeles des artistes, des bikers, des clochards, des prostituées, des vieux pédophiles, des travestis, des flics, des prêcheurs, des bateleurs et des jongleurs. La jeune Angel se trouvera même un semblant de famille avec quelques sœurs de prostitution, un vieux cowboy qui se prend pour Kit Carson en guise de père et un vieux travesti haut en couleur en guise de mère. Un famille de cœur et d'infortune assez attachante que Robert Vincent O'Neil filme parfois avec beaucoup de délicatesse et de tendresse comme lorsque Angel remonte Hollywood boulevard entre ses deux parents d'adoption. Il faut d'ailleurs saluer l'excellent casting du film dans lequel on retrouve Rory Calhoun véritable star du western des années 50 qui incarne ici un cowboy bien mélancolique, Dick Shawn à la fois drôle et émouvant en vieux travesti et figure protectrice mais aussi la très punk Susan Tyrrel (Forbidden Zone) qui incarne ici une logeuse lesbienne juive et artiste peintre. Et puis il faut aussi également saluer l'interprétation de Cliff Gorman très convaincant dans le rôle du Lieutenant Andrews qui jouera le rôle de figure titulaire et morale pour cette jeune fille en manque de repères.


Et l'aspect purement thriller du film me direz vous ? Et bien à l'image de ce tortueux cheminement critique il se retrouve un peu relayé en arrière plan n'étant pas l'aspect le plus marquant et significatif du film. Même si les agissements de ce serial killer sadique et nécrophile interprété par le mutique et inquiétant John Diehl restent au cœur du récit et le moteur principal des enjeux dramatiques du film, je n'ai pas trouvé que le résultat était tout à fait à la mesure de son intrigue criminel. Alors que vu son sujet je ne me plaindrais pas que le film mette la pédale douce sur l'aspect sexuel de son intrigue en revanche je n'aurai pas été contre une approche plus horrifique et percutante des agissement de ce tueur afin de pimenter un peu la sauce bien trop fade d'un thriller finalement un poil trop sage.


Angel est finalement une bonne surprise qui met l'accent sur ses personnages attachants alors qu'il aurait pu si facilement se vautrer dans une provocation crapoteuse et malaisante. Je suis à la fois impatient, curieux et sceptique de découvrir Angel II La Vengeance et Angel 3 tant ce premier film est un petit miracle d'équilibriste traversant son intrigue sans jamais tomber dans la fange ni la facilité.

freddyK
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le 3 août 2021

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Freddy K

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