Keira Knightley, élue femme la plus laide au monde. Belle mais véritable gorgone à grimaces. Femme de Chanel, n°5. Pour un film à la réalisation pubesque, empruntant son luxe à Marie-Antoinette (la toilette, le caractère vain, aussi), son onirisme à Hugo Cabret (le train, la gare) et le charisme de son personnage à 90% des rôles de la donzelle. Femme à fifilles, pour être exact. Fille à films d’ados aux allures raffinées, elle campe ici un personnage trouble, agité, limite torturé, mais surtout concon, car elle s’engouffre dans un « amour » (= plan cul ; mais chut ! Les princesses ont un tout autre vocabulaire) qui dès le départ semblait voué à l’échec. Croisant le regard d’un beau jeune homme, elle se jette à corps perdu dans l’océan de ses yeux, bleus, et en ressort couverte de goudrons et de plumes. De l’amour ? Oui, si on veut, ou toute autre chose, puisqu’au fond l’art s’évertue depuis des siècles à en tisser une définition, sans réponse précise. Moi, j’aurais plutôt celle de « farce » en tête, dans tous les sens du terme.

En effet, la mise en scène rétro-moderne assure mal la crédibilité du film. Alors qu’elle est distrayante parce qu’elle multiplie les interruptions d’actions des personnages, elle confère au spectacle un caractère comique, farcesque même, augmenté par un jeu d’acteurs qui joue un ton au-dessus du vraisemblable. Alors que le ton de la deuxième partie du film est tout autre, versant allégrement dans le drame, le pathos, le mélo, avec force larmes et violons, sans oublier le piano pour les mélopées plus galopantes, bien sûr. Malheureusement, ce mélange des genres colle assez mal à un scénario sentimental de cet acabit.

Le spectacle est alors insupportable. Alors que ce qui pouvait paraître incongru dans la première partie du film donnait un caractère sympathique et rythmé au spectacle romantique, la deuxième partie outrageusement tournée vers la figure de la Keira se complait dans une relation triangulaire classique (Balzac et tout l’toutim) qui s’enlise, qui se retourne sur elle-même, et qui éclipse presque la deuxième intrigue amoureuse, finalement relativement anecdotique. Tout comme tout ce qui se passe entre deux. On ne retient rien des dialogues, tant il est impossible de s’attacher aux personnages dont les paroles sont vaines, tant tout paraît creux, inutile.
En somme, fini le jeu emphatique de la première partie, où tout semblait rigolard, où les personnages se donnaient en spectacle, en prenant presque le spectateur pour un con tant ça sonnait surfait, on nous assène un spectacle larmoyant pour lequel on se demande si la fidélité au matériau littéraire d’origine a bien été respecté.

Alors, dans la salle où pas une âme (des coeurs qui dégoulinent, oui, certes) ne vit, j’avais juste envie de crier « STOOOOOOOOP ! ». De foutre à la poubelle toutes ces histoires d’amours adultères vues et revues, ne serait-ce que dans le récent film danois, Royal Affair (autrement plus réussi), pour me faire moine en Sibérie, dans un couvent où il est interdit de prononcer le nom de l’odieuse porte-étendard de films féminins (et pas féministes) qui ferait devenir misogyne tout végétarien acquis à la cause de Krishna.

Signé un gros frustré.
Adrast
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le 8 déc. 2012

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