Anomalisa
6.6
Anomalisa

Long-métrage d'animation de Duke Johnson et Charlie Kaufman (2016)

Michael Stone (voix de David Thewlis) est l'auteur d'un livre à succès sur les relations clients qui lui a valu une reconnaissance majeure dans le domaine. Il doit prononcer une conférence à Cincinatti. Dans l'hôtel où il va rester seule la nuit, il rencontre une femme, nommée Lisa (voix de Jennifer Jason Leigh), responsable service-client, venue en ville pour l'entendre. Ils vont lier ensemble une relation rapide alors que Michael pense qu'il a peut être rencontré la femme de sa vie. A travers lui, c'est la banalité de nos vies modernes que Kaufman semble sublimer dans « Anomalisa ».
Pourtant, Kaufman ne va jamais quitter pendant tout le film le regard condescendant qu'il pose sur ses marionnettes.
Pendant toute la projection, les relations que Michael entretient avec ses contemporains sont sans cesse marquées par l'irritation, l'ennui qu'il éprouve à devoir interagir, tantôt avec son voisin de siège d'avion, le chauffeur de taxi, le réceptionniste de l'hôtel, tandis qu'avec les femmes, il est carrément mufle. Cette distillation de l'ennui semble constituer, dans un premier temps, l'horizon comique du film, tandis que ces situations ne sont pas sans produire une certaine tension, pertinente à priori pour peindre la banalité déshumanisée de cet univers de marionnettes. Le spectateur doit s'identifier à un personnage principal plutôt misanthrope, dont la vie, ennuyeuse et déprimante malgré le succès est censée nous renvoyer en miroir nos propres désillusions. Le problème est que le film nous somme de partager les jugements qu'il porte sur les autres personnages sans renvoyer jamais à un hors-champ critique ou ne proposer aucune mise en abyme métaphysique. Il nous invite seulement à partager la description ironique de ce petit univers dépressif. Plus problématique encore est le regard que le réalisateur porte sur Lisa, l’objet du désir de Michael. Elle est complexée par son apparence (une mèche de cheveux dissimulant une cicatrice sur son front). Michael prétend découvrir en Lisa un être humain, sous le vernis de la grande banalité de ce personnage mais Kaufman regarde l’humanité de Lisa avec une certaine condescendance. Sa disgrâce physique est présentée comme une source d’attendrissement qui suscite le désir chez Michael, alors qu’en pratique il continue de nous montrer Lisa comme une pauvre fille mal à l'aise.

Cela me semble typique d'un certain cinéma labellisé indépendant qui observe les masses besogneuses dans leur banalité apparente tout en mettant le spectateur de son côté. Mais tout cela est fait avec l'ironie douteuse d'un entomologiste blasé qui n'aurait pas été au contact du monde réel depuis un moment.

Olivier_Paturau
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le 7 févr. 2016

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